Accusé de tentative de corruption d'un policier de la GRC, l'avocat Gerardo Nicolo entend démontrer, dès son enquête préliminaire, qu'il a été victime d'un piège.

Depuis son arrestation le 26 novembre 2008, Me Nicolo proteste de son innocence. Volontairement entourée de mystère depuis le début par la GRC et le ministère public, la cause revient en Cour du Québec, mercredi matin. Outre la charge de corruption, le criminaliste de 41 ans fait face à une accusation d'entrave à la justice. Même si on n'en est pas encore au procès, l'enjeu est important pour Me Nicolo, dont la clientèle comprend Giuseppe De Vito, en cavale depuis l'opération antimafia Colisée, il y a trois ans.

À la lecture du dossier d'accusation, on constate que l'enquête sur Me Nicolo s'inscrit dans le cadre d'un phénomène bien plus général de corruption qui inquiète la GRC depuis l'opération Colisée, en novembre 2006. Son arrestation est étroitement liée au dossier d'Angelo Cecere, un employé de la GRC soupçonné d'avoir divulgué à la mafia des renseignements touchant une vingtaine d'enquêtes. Cecere est en attente de procès. La cause revient devant le tribunal le 23 novembre.

Durant cette enquête, les policiers fédéraux ont eu vent que Cecere n'était pas le seul traître du bureau et que la mafia montréalaise avait créé un fonds «de plusieurs millions de dollars» afin de défendre les inculpés du projet Colisée. L'argent, indique-t-on dans les documents judiciaires obtenus par La Presse, devait même servir à «payer certains policiers qui seraient prêts à faire de faux témoignages en faveur de la défense, si la cause allait à procès».

Comme le nom de Giuseppe De Vito était souvent mentionné, les enquêteurs de la GRC ont immédiatement pris pour cible Me Gerardo Nicolo. D'autant plus que des informateurs décrivaient l'avocat comme un «messager pour De Vito» auprès de mafiosi accusés à la suite de l'enquête Colisée. Me Nicolo a aussi représenté un suspect dans le dossier Cecere.

Comme c'est généralement le cas, les enquêteurs de la GRC ont cumulé beaucoup d'informations sur Me Nicolo, avant de lui mettre un agent double dans les pattes, à la fin de 2007. Tout a été passé à la loupe, ses habitudes de vie, ses finances, ses fréquentations, etc. C'est ainsi que, après de nombreuses filatures, il a été décidé que l'agent d'infiltration aborderait l'avocat dans un gymnase d'une école privée du nord de Montréal, où ce dernier va reconduire son jeune fils tous les matins.

Suivant le scénario prévu, l'agent secret s'est présenté à Me Nicolo comme un nouvel enquêteur à la brigade des stupéfiants de la GRC. Fraîchement muté contre son gré d'un détachement du Nouveau-Brunswick, il a fait croire qu'il était démotivé, et qu'il ne se plaisait guère à Montréal. Selon les documents judiciaires, Me Nicolo, qui aime causer, lui aurait fait part dès la première rencontre, le 22 janvier 2008, qu'il représentait «l'aveugle qui s'est fait arrêter l'été dernier», en parlant de l'employé civil de la GRC Angelo Cecere. Il aurait également mentionné défendre des individus accusés en marge de la fameuse opératon Colisée.

Au fil des rencontres au gym et ailleurs, les liens entre les deux hommes se sont resserrés. Mis en confiance, Me Nicolo a fait certaines confidences à l'agent double de la GRC, tandis que celui-ci s'est dit prêt à lui refiler des informations qui pourraient être utiles à ses clients. Sans savoir qu'il était sous enquête, Me Nicolo aurait notamment rassuré le policier en lui disant que «Cecere avait agi seul et qu'il était financé par un certain De Vito», recherché dans le cadre de l'opération Colisée. L'avocat aurait promis 20 000 $ à l'agent double dans le cas où celui-ci obtiendrait des garanties écrites que De Vito serait libéré sous caution, s'il se livrait à la GRC. L'affaire n'a pas eu de suites, mais les deux hommes ont continué de se voir, les «Italiens étant plutôt intéressés à obtenir de l'information sur les opérations policières présentes et futures», indiquent les documents judiciaires.

Au printemps 2008, à la suite d'une proposition concrète de l'agent double, Me Nicolo lui est revenu peu après, en disant que son contact ne voulait pas payer, qu'il se sentait suivi par la police et flairait un traquenard. Déçu de la tournure des événements, l'avocat a néanmoins promis d'en parler à Giuseppe De Vito, qu'il décrivait comme un des «top» de la mafia montréalaise, qu'il rencontrait parfois en cachette dans une chambre d'hôtel. L'histoire est en restée là, à cause de la période des vacances.

À son retour, après s'être fait tirer l'oreille par ses supérieurs, l'agent double de la GRC a relancé Me Nicolo, mais celui-ci ne voulait plus rien savoir. Deux mois plus tard, Me Nicolo se faisait passer les menottes à la sortie de sa résidence, à Laval. Est-il blanc ou noir ? Il reviendra à un juge d'en décider.