Inculpés en marge d'une série de meurtres survenus durant la guerre contre les Rock Machine et leurs alliés, six membres à la retraite des Hells Angels ont pu recouvrer la liberté, hier, en échange de cautionnements allant de 5000$ à 125 000$.

À la sortie de la salle d'audience, les avocats des motards se félicitaient de la décision du juge James Brunton, de la Cour supérieure. Les procureurs du gouvernement ont quant à eux rapidement annoncé leur intention de faire appel. Il y a quelques semaines, un juge de la Cour du Québec a rejeté la demande de mise en liberté provisoire de 13 autres accusés.

Arrêtés dans le cadre de l'opération SharQc, les six ex-motards - John Coates, 43 ans, Bruno Dumas, 50 ans, Claude Berger, 60 ans, Maurice Soucy, 57 ans, Jacques Dumais, 41 ans, et François Goupil, 39 ans - ont assuré au juge qu'ils seraient présents à leur procès. Ils ne pourront quitter le Québec, devront respecter un couvre-feu entre 19h et 7h, se présenter régulièrement à la police et se tenir loin des débits de boissons et du milieu criminel.

À l'instar d'une centaine de leurs anciens comparses, les six motards à la retraite sont accusés d'une kyrielle de meurtres - jusqu'à 22 dans certains cas - qui, selon le ministère public, auraient été commis par les Hells Angels durant la guerre qui les a opposés aux Rock Machine, de juillet 1994 à juin 2002. Ils sont aussi accusés de complot, de trafic de drogue et de gangstérisme.

Le juge Brunton, conscient de l'impact qu'aura son jugement sur le public, a obtenu des avocats de la défense la levée de l'ordonnance de non-publication qui pesait sur l'enquête sur cautionnement. Estimant que la publication du détail de la preuve pourrait nuire à la tenue d'un éventuel procès, le ministère public s'est vainement opposé à cette demande du juge, pour le moins inusitée. «Il importe que le public comprenne bien les motifs de la décision», a-t-il invoqué, tout en précisant qu'il ne pourrait y avoir de procès avant au moins un an.

En gros, si le juge Brunton a accordé des cautionnements aux six ex-motards, c'est que le dossier d'accusation est complexe et que la majeure partie de la preuve - du moins celle présentée devant lui - est basée sur les déclarations du délateur Sylvain Boulanger. Selon le juge, il n'y a pas non plus de preuve formelle, si ce n'est dans le cas de Bruno Dumas, selon laquelle les prévenus ont trempé dans des activités illicites depuis qu'ils ont quitté les Hells Angels.

«La poursuite semble avoir des preuves solides, mais elles n'ont pas encore été validées par un tribunal», estime le juge Brunton. C'est en remontant 20 ans en arrière que les policiers en sont arrivés à reconstituer les liens existant entre les différents «chapitres» des Hells Angels et à cerner leurs activités illicites. Au procès, il restera, selon le juge, à déterminer le rôle et la «responsabilité individuelle» de chacun des 156 accusés.

Principal témoin à charge, Boulanger recevra 2,9 millions pour ses services. Il demandait 10 millions à l'origine. Dans le jugement rendu hier, le juge souligne que Boulanger avait quatre bonnes raisons de balancer ses «frères» motards: il cherchait vengeance, mais il ne voulait pas aller en prison et il voulait «sécuriser» sa famille. L'importante récompense a aussi compté.