Retrouvailles émouvantes ce matin entre un chauffeur de taxi sauvagement agressé il y a quelques semaines et les policiers qui ont volé à son secours. Cette réunion se déroulait dans le cadre du lancement d'une campagne de sensibilisation visant à convaincre les 4500 chauffeurs de taxi Montréalais de faire preuve de vigilance, surtout de nuit.

La rencontre s'est tenue sous une pluie fine, dans un parc situé à l'angle des rues Maisonneuve et Park Row, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce.

Près d'un arbre, Abraham Mesfun, le chauffeur de taxi poignardé dans son véhicule dans la nuit du 22 juin, se tenait sur ses deux jambes, l'air encore fragile mais souriant.

L'homme de 48 ans écoutait les grandes lignes de cette initiative conjointe entre le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) et le Bureau du taxi, dont l'objectif est d'améliorer la sécurité des conducteurs de taxi.

M. Mesfun semblait ému de revoir les policiers qui l'ont retrouvé dans une mare de sang le soir de l'agression, à commencer par l'agente Annie-Claude Beaudoin, envers qui il voue une admiration sans borne.

Lors de leur dernière rencontre, l'agente Beaudoin maintenait une pression sur les plaies de M. Mesfun, poignardé par une cliente qu'il venait d'embarquer rue Sherbrooke. L'homme avait perdu environ quatre litres de sang et sa vie était en danger. «Il me répétait qu'il allait mourir, je lui répondait que non il ne mourra pas aujourd'hui. Je sentais qu'il partait et je le gardais éveillé. Je suis resté à son chevet jusqu'au matin», raconte la jeune policière, à l'emploi du SPVM depuis trois ans et demie.

Venu remercier ses anges-gardiens, Abraham Mesfun ne croit pas pouvoir retravailler avant quelques mois. Même si le souvenir de l'agression le hante encore, il retournera sans doute derrière le volant d'un taxi. «Je ne pensais pas recommencer, mais la vie continue», laisse-t-il tomber.

Dans le cadre de la campagne de prévention, des dépliants contenant des règles de sécurité seront distribués aux conducteurs de taxi. «Soyez attentif aux signes de nervosité, regards fuyant, demandes de fermer la radio, etc», peut-on notamment lire sur le document, coiffé du slogan «Fiez-vous à votre instinct. «Nos policiers vont aussi sporadiquement intercepter les chauffeurs de taxi avec des clients la nuit, pour s'assurer que tout va bien, assurer un contrôle», explique l'assistant-directeur Pierre Brochet du SPVM.

Ce dernier observe une hausse légère des vols qualifiés contre les chauffeurs de taxi, mais c'est avant tout la violence des agressions qui l'inquiète. «La situation n'est pas dramatique, mais on veut que les chauffeurs de taxi se sentent à l'aise de travailler la nuit», précise M. Brochet.

Environ une soixantaine de vols qualifiés avec violence contre des chauffeurs de taxi sont répertoriés chaque année à Montréal.

Vitre de sécurité

L'assistant-directeur du Bureau du taxi, Richard Boyer, étudie actuellement plusieurs recommandations pour améliorer la sécurité de ses troupes.

Au lendemain de chaque agression, les conducteurs de taxi plaident souvent en faveur de l'installation d'une vitre de sécurité entre le chauffeur et la banquette arrière. «Ça fait partie des choses qu'on regarde, mais il n'y a pas de moyen infaillible», note M. Boyer.

Selon lui, la vitre de sécurité, installée dans des taxis de plusieurs villes américaines, a entraîné une réduction des agressions au couteau mais une augmentation de celles à l'arme à feu. «La solution qui serait efficace à 100% ne serait pas applicable, c'est-à-dire enlever toute forme d'argent dans les taxis», ajoute-t-il.

Le commandant du poste de quartier 11, où est survenue l'agression contre M. Mesfun, était aussi présent ce matin au lancement de la campagne. Daniel Leduc a distribué quelques mentions d'honneurs à ses policiers qui ont porté secours au chauffeur de taxi, puis épinglé rapidement l'auteure de l'agression quelques rues plus loin. «Pour moi, ce sont les héros de la nuit du 22 juin», résume le commandant Leduc.