Les opérations policières d'envergure réalisées ces derniers mois contre le crime organisé forcent le ministère de la Justice à délier les cordons de sa bourse. Pour juger tous ces prévenus, le Centre judiciaire Gouin, un palais de justice construit à Montréal il y a quelques années à peine, devra être rénové au coût d'environ 3, 9 millions de dollars, a appris La Presse.

Les travaux de modernisation qui coûteront 3 875 000$ ont déjà commencé sans tambour ni trompette. Ils n'ont fait l'objet d'aucune annonce du gouvernement Charest. «La décision a été prise à la suite de l'opération SharQc. Disons qu'on avait déjà reçu des demandes, mais on ne pouvait pas commencer les travaux avant cette opération policière pour ne pas mettre la puce à l'oreille à qui que ce soit», a expliqué à La Presse, une porte-parole du ministère de la Justice, Me Johanne Marceau. Avec l'opération SharQc à la mi-avril, la Sûreté du Québec a donné un dur coup à l'organisation des Hells Angels en inculpant 156 personnes, dont 111 membres, actifs ou retraités du puissant gang de motards criminalisés. Au total, dans le cadre d'opérations majeures, les corps policiers du Québec ont arrêté près de 400 présumés criminels depuis février 2009 (Axe, SharQc, Cerro, Dictature, Machine, Sable et Borax). Un engorgement des tribunaux est à prévoir.

Le Centre judiciaire Gouin a été construit à toute vitesse au coût de 16,5 millions de dollars en prévision des méga-procès des motards découlant de l'opération Printemps 2001. Ce palais de justice est déjà muni d'arches de sécurité (détecteurs de métal) et les box des accusés sont sécurisés. Les deux salles d'audience sont plus vastes que celles du Palais de justice de Montréal. Un tunnel relie le Centre judiciaire Gouin à la prison de Bordeaux, sa voisine, facilitant les déplacements des prévenus.

Après les méga-procès des Hells Angels, le Centre judiciaire Gouin a été peu utilisé. Il a servi à la tenue du procès du gang de la rue Pelletier en 2006 et plus récemment à celui des cinq présumés membres de gang de rue acquittés du meurtre d'une victime innocente d'une guerre de gangs, Raymond Ellis.

Aucun agrandissement extérieur n'est prévu, selon Me Marceau du ministère de la Justice. Il s'agit d'agrandir les bureaux de la poursuite et de moderniser les équipements multimédias. Les travaux sont faits à la demande, entre autres, de l'équipe de travail de la Direction des poursuites criminelles et pénales chargée de l'opération SharQc, a précisé Me Marceau. L'équipe composée de 45 personnes (procureurs et enquêteurs) est à l'étroit dans ses bureaux actuels du centre Gouin, confirme la porte-parole de la DPCP, Martine Bérubé. À titre de comparaison, l'équipe de la poursuite était deux fois moins grande à l'époque de Printemps 2001.

De plus, «des améliorations des installations technologiques sont rendues nécessaires en raison de l'ampleur de la preuve dans SharQc qui a été amassée grâce à des moyens modernes», indique Mme Bérubé de la DPCP.

Une portion des travaux devrait être complétée en septembre alors que des procès découlant de l'opération Colisée s'y tiendront (arrestation en 2006 de 90 personnes présumément liées à la mafia italienne). L'échéancier de la fin des travaux est fixé en décembre.