Dans un jugement lapidaire, la Cour supérieure vient de condamner l'ex-député libéral de Huntingdon, André Chenail, à payer 90 000$ à l'ex-mairesse de Sainte-Clotilde, Diane Lavigne, et à son conjoint, Keith Burton, pour avoir tenu des propos diffamatoires à leur endroit.

Les propos en question étaient contenus dans une lettre ouverte que M. Chenail a envoyée au journal local Coup d'oeil, et qui a été publiée le 27 août 2005. Signant de ses fonctions de député, M. Chenail accusait la mairesse de faire passer ses intérêts personnels avant ceux de la communauté, et soutenait que son mari et elle avaient oublié le grand principe selon lequel on est en politique pour «servir, et non se servir».

La lettre fustigeait l'empressement de Mme Lavigne à réaliser les installations d'épuration des eaux en plein centre du village. «Le couple Lavigne-Burton possède des propriétés à revenus et des roulottes qui seront raccordées au système d'égout sanitaire. Une partie de l'empressement dans ce dossier est justement le raccordement de leurs propriétés», écrivait M. Chenail.

La lettre reprochait également à Mme Lavigne et à son époux de s'être plaints à son sujet au premier ministre. «Pour la plainte... on repassera... Le premier ministre me fait totalement confiance dans la conduite politique de ma circonscription», répliquait M. Chenail. Trois mois après la publication de la lettre, au moment des élections, Mme Lavigne n'avait pas été réélue.

Guidé par le mépris

Lors du procès, il a été établi que M. Chenail, un grand propriétaire terrien qui a déjà été conseiller et maire de Sainte-Clotilde (quatre mandats) avant d'être député, avait parlé à tort et à travers au sujet des propriétés du couple. La mairesse et son époux ne possédaient qu'une roulotte d'entreposage susceptible de profiter du système d'égout dans le secteur en question.

De plus, la juge Trahan est d'avis que Mme Lavigne était une mairesse dévouée et intègre. La juge a trouvé que M. Chenail a témoigné comme s'il était au-dessus de ses affaires, et qu'il avait le plus grand mépris pour Mme Lavigne. Il se laissait guider par son principe voulant que «si on ne partage pas le même avis politique, on écrase». M. Chenail a par ailleurs reconnu qu'en privé, avec d'autres, il appelait Mme Lavigne «la grosse», ajoutant «qu'on ne le dit pas devant elle».

Au bout du compte, la juge conclut que la lettre de M. Chenail «contient des affirmations fausses et mensongères, de même que des insinuations malveillantes, méchantes et mal intentionnées». M. Chenail soutenait qu'il avait rédigé cette lettre sans méchanceté, pour «informer» la population.

«Ou bien M. Chenail ment éhontément quand il dit cela ou bien il prend le Tribunal pour une valise. L'une ou l'autre alternative dit tout sur le personnage et son attitude», note la juge. «Il savait ce qu'il faisait. Il voulait écraser Mme Lavigne.»

Mme Lavigne et M. Chenail se connaissent depuis toujours. La juge a comparé leurs deux familles aux «Montaigu et aux Capulet à Vérone, du temps de Roméo et Juliette». À l'unique restaurant du village, Le Petit Sourire, que les deux clans fréquentent, un muret les sépare...