Quand Kim Ngu Lieu a quitté le gymnase de l'école Marie-Clarac, dimanche soir, elle souriait. La dame de 67 ans avait dansé toute la soirée à l'occasion du bal de fin d'année de son cours de danse en ligne, une activité qu'elle pratiquait plusieurs fois par semaine depuis sa retraite.

«Elle a eu beaucoup de plaisir, comme d'habitude, a raconté hier Michel Bourré, son professeur de danse. Elle avait au visage ce sourire constant qui la caractérisait.»

Kim Ngu Lieu a été l'une des dernières à partir, peu avant minuit. Elle a marché quelques mètres jusqu'à l'arrêt d'autobus du boulevard Henri-Bourassa pour retourner à son domicile de Montréal-Nord.

Mais Kim Ngu Lieu, une couturière retraitée, n'y est jamais parvenue. Trois adolescents l'ont agressée pour lui voler son sac à main. Kim Ngu Lieu s'est probablement fracassé la tête sur le bord du trottoir lors de l'agression.

Plongée dans le coma, elle est morte deux jours plus tard à l'hôpital du Sacré-Coeur. Sa famille a accepté que l'on débranche l'appareil qui la maintenait artificiellement en vie. Elle ne se serait jamais réveillée. Les dommages au cerveau étaient trop importants.

Les trois adolescents, âgés de 15 et 16 ans, seront accusés de meurtre non prémédité lundi à la Chambre de la jeunesse, selon nos informations. «Et j'espère qu'ils seront jugés comme des adultes», a dit hier Quoc Huy, le fils de la victime.

Une famille atterrée

Quoc Huy était attablé hier matin à son restaurant du quartier La Petite-Patrie, à Montréal. La veille de l'agression, sa mère avait passé la journée au restaurant familial, comme elle le faisait souvent.

La gratuité de l'agression a choqué l'homme de 33 ans. «Les jeunes auraient dû penser à leur geste, a dit Quoc Huy, les traits tirés par le chagrin et la fatigue. La vie de ma mère valait tellement plus que 20$ ou qu'un bijou de 100$!»

«Il faut qu'ils écopent d'une peine exemplaire pour décourager les jeunes de faire la même chose, a-t-il ajouté. À 15 ans, on sait ce qu'on fait. À 16 ans, on est adulte, et on doit subir les mêmes conséquences que les adultes.»

Son frère aîné, Quoc Luong, partage la même opinion. «Une punition sévère ne fera pas revenir ma mère, mais il faut le faire pour la société», a dit l'homme de 39 ans, qui travaille dans la mécanique.

Kim Ngu Lieu, son mari et ses quatre fils ont immigré au Québec en 1984. Le couple, d'origine chinoise, a quitté le Vietnam pour offrir un meilleur avenir à ses enfants.

Un an après son arrivée, Kim Ngu Lieu a trouvé un emploi à la manufacture de vêtements Peerless, dans le nord de Montréal. Elle a consacré 20 ans de sa vie, 40 heures par semaine, à assembler des manches de veston dans cet immeuble gris du boulevard Pie-IX.

«Ma mère a travaillé toute sa vie pour nous ; en prenant sa retraite, en 2006, elle commençait tout juste à vivre», a dit Quoc Huy. Elle voulait s'occuper de ses trois petits-enfants et du quatrième en route. Elle rêvait aussi de rendre visite à ses frères et soeurs, qui vivent à Hong Kong et aux États-Unis. C'est finalement ses frères et soeurs qui sont venus à Montréal en catastrophe pour être à ses côtés quand les médecins débrancheraient l'appareil.

Son départ laissera un vide béant au sein de la famille, mais également dans les cours de danse en ligne, selon son autre professeur de danse, Claude Castonguay. Kim Ngu Lieu, la seule immigrée du groupe, apportait chaque semaine sa bonne humeur et son énergie.

«Kim était discrète, mais tout le monde la connaissait et tout le monde l'aimait, a conclu Claude Castonguay. Elle nous manquera.»