Par son ton agressif et ses appels insistants, Daniel Bédard faisait peur à Sylvie Fradette. La réceptionniste de l'Ordre des ingénieurs du Québec avait en tête Valéry Fabrikant et Marc Lépine, «qui s'en sont pris à des ingénieurs».

Ce témoignage que Mme Fradette a livré vendredi dernier, au procès de Daniel Bédard, le jury a demandé à le réentendre, ce matin, en entreprenant ses délibérations. Les jurés doivent décider si Bédard, 50 ans, est coupable de harcèlement envers l'Ordre des ingénieurs du Québec. Les accusations ont trait à la période qui va d'août 2007 à novembre 2007.

Frustré parce que sa plainte contre un ingénieur avait été rejetée au terme d'un long processus, Bédard exigeait que le dossier soit rouvert, car il était persuadé d'avoir raison. Il demandait aussi des dommages de 12 millions de dollars à l'Ordre.

Selon la preuve de la Couronne, Bédard a appelé l'Ordre à de très nombreuses reprises, il a envoyé des courriels, dont un qui mentionnait le nom de Valery Fabrikant (le tueur fou de l'Université Concordia), et s'est présenté en personne une fois, peut-être deux, pour faire valoir ses doléances. La réceptionniste s'était fait installer un bouton de panique de crainte de le voir arriver. Elle tenait la porte d'entrée verrouillée, et la photo de Bédard était affichée, pour qu'elle puisse le reconnaître. Cette photo avait été obtenue de l'Ordre des technologues du Québec, dont Bédard a déjà fait partie, et avec qui il a également été en guerre. D'ailleurs, il a subi un procès pour harcèlement et menaces à l'endroit de membres du personnel de cet organisme, en 2005. Le jury l'avait toutefois acquitté. Ironie, ce procès avait été présidé par le juge Richard Mongeau, le même qui a préside le présent procès.

Soulignons enfin que par ses agissements et ses propos effrontés, Bédard a accumulé quatre accusations d'outrage au tribunal depuis le début de son procès, à la fin d'avril. Entre autres, il a injurié le juge à plusieurs reprises. Il s'est aussi mérité une accusation de menace à l'endroit du procureur de la Couronne, J. R., qui était affecté à ce procès. Pour cette raison, c'est un autre procureur de la Couronne, Me Pierre Labrie, qui a dû prendre le relais, alors que le procès était déjà commencé.

M. Bédard était libre au début de son procès, mais il est maintenant détenu. Il doit revenir devant le tribunal mercredi prochain, pour ses accusations d'outrage au tribunal.

Rappelons enfin que Bédard a assisté aux derniers jours de son procès depuis une autre salle d'audience, en suivant les débats par le biais d'une télévision en circuit fermé. Quand il se mettait à déraper ou à crier, le juge fermait le son pour ne plus l'entendre. Cette manière de faire a évidemment choqué Bédard. Ce matin il a refusé d'entendre les directives que le juge a données au jury avant ses délibérations, et s'en est allé dans les quartiers de détention. Il a ensuite demandé à un constable spécial d'aller porter des papiers au jury, sans les montrer au juge. Le juge a évidemment renvoyé les papiers à l'expéditeur...