Interrogé par la police après deux mois de cavale, Sylvain Vincent, 46 ans, a admis avoir tué son ex-superviseur pour se venger d'avoir perdu son emploi. Une histoire «pathétique», avouera-t-il à l'enquêteur de la Sûreté du Québec.

Sylvain Vincent est accusé du meurtre prémédité d'Yves Couture, un père de famille de 45 ans assassiné sous les yeux de son fils de 5 ans devant chez lui à La Plaine, au nord de Montréal. Vincent subit son procès depuis lundi au palais de justice de Saint-Jérôme. Tous deux étaient soudeurs à la base militaire de Longue-Pointe. M. Couture était le chef d'équipe de M. Vincent. Il lui a fait passer son examen d'admission au début des années 2000. Leur relation s'est envenimée au fil du temps. Ils ont développé un conflit sur des questions de militantisme syndical et des griefs, a-t-il raconté à l'enquêteur au cours de l'interrogatoire d'une durée de six heures que les jurés ont commencé à visionner, hier.

L'accusé s'est longuement plaint d'un événement en particulier: un collègue et ami de M. Couture a fouillé dans son passé pour découvrir qu'il avait un casier judiciaire et avait déjà fait de la prison. Selon l'accusé, M. Couture aurait alors propagé l'information au travail, contribuant à lui faire perdre son emploi en 2006.

«Tout mon passé m'est revenu dans la face. Ils (M. Couture et son ami) n'avaient pas le droit de faire ça. J'étais à ça d'avoir quelque chose de bien dans la vie.» M. Vincent a été incapable de trouver un autre emploi. Pour expliquer le meurtre, il a fait cette analogie: «Pourquoi les États-Unis ont attaqué l'Irak? C'est toujours une histoire de vengeance quelque part,»

Un an après avoir perdu son emploi, en fin d'après-midi le 14 août 2007, l'accusé a chargé son fusil de chasse au canon tronçonné pour aller tuer M. Couture. «Je rageais. Je pensais juste à ça. J'avais pu d'argent, pu rien», a-t-il dit à l'enquêteur, spécifiant qu'il lui restait juste «une perruche».

Selon son récit des événements, Vincent est parti de chez lui à Laval en voiture pour se rendre à La Plaine. Son plan: surprendre la victime devant chez elle à son retour du travail au moment où elle sortirait de sa voiture. Sauf que la victime n'était pas au travail, mais au centre nature de Laval pour une activité estivale avec son fils. Le père est toutefois rentré à la maison à la même heure que d'habitude. L'accusé surveillait son arrivée. En le voyant sortir de la voiture, Vincent a foncé «en trombe» vers lui. Il a juré au policier ne pas avoir vu le garçon.

«Je n'aurais jamais fait ça devant son gars. Si je l'avais vu, j'aurais continué (mon chemin)», a-t-il assuré à l'enquêteur de la SQ, Benoît Patenaude. Or, le policier lui a fait remarquer que l'enfant avait crié: «Tu vas tuer mon père» avant que le coup fatal ne parte. Et que le père l'avait aussi averti que son fils était dans l'auto.

Décontenancé par les remarques de l'enquêteur, l'accusé a répondu que «tout s'est fait tellement vite». M. Couture se serait «penché vers lui», «plié en deux», puis le coup est parti «d'une claque», a-t-il dit, jetant le blâme sur le cran de son arme. Après avoir atteint sa victime à l'épaule droite, l'accusé est allé cacher son véhicule non loin de là, dans un bois où il a passé la nuit.

Vincent s'est livré à la police de Montréal deux mois après le meurtre, le 23 octobre 2007, non sans être allé voir d'abord «les Rocheuses pour une dernière fois» dans l'Ouest canadien. Il a d'ailleurs enterré son arme «entre Vancouver et Montréal». Il savait qu'il était sur la liste des 10 criminels les plus recherchés au Québec. Au début de l'interrogatoire, M. Vincent a souligné qu'il s'attendait à purger une peine de prison à vie. «J'avais une bonne job au gouvernement à 40 000$ par année. Pis là, c'est ça que je vais leur coûter à rester dans une cellule à rien foutre.» La preuve de la poursuite, représentée par Me Vincent Martinbault, se poursuit aujourd'hui avec la suite du visionnement de l'interrogatoire policier.