Après avoir fait une revue exhaustive de la littérature scientifique traitant des antidépresseurs, le témoin expert Claude Rouillard «n'a pas trouvé grand-chose» sur un lien entre la consommation de ce type de médicament et des actes violents, a-t-il expliqué aux jurés au procès de Francis Proulx, aujourd'hui, au palais de justice de Québec. 

Cet expert en neuropsychopharmacologie de l'Université Laval a mis en garde les jurés contre ce qui circule sur le web. «Sur internet, il y a des histoires à faire peur, mais elles sont plus ou moins crédibles», a précisé celui qui témoignait à la demande de la défense. En faisant ses recherches, le Dr Rouillard a trouvé une seule étude sur des «événements hostiles» vécus par des patients qui prenaient des antidépresseurs ou qui venaient de cesser d'en prendre. Mais cette étude ne traite pas spécifiquement de l'Effexor. Moins de 1% des patients traités pour la dépression avec ce type de médicament ont vécu un «événement hostile». Ce serait 0,53% des patients sous antidépresseurs contre 0,33% des patients traités pour la dépression sans antidépresseur, a noté l'expert.

L'avocat de la défense, Jean Desjardins, n'a d'ailleurs pas insisté sur cette portion du témoignage de l'expert qui n'avantageait vraisemblablement pas son client. Le Dr Rouillard n'a même pas pu détailler ce qu'était un «événement hostile».

Lors de l'interrogatoire, l'avocat de la défense a plutôt mis l'accent sur un avis émis par Santé Canada depuis 2004. Selon cet avis, «des rapports d'essais cliniques et de post-commercialisation ont décrit la survenue de manifestations indésirables sévères de type agitation, accompagnées d'automutilation ou de mal à autrui chez des enfants et des adultes recevant des antidépresseurs». Comme tous les autres médicaments, l'Effexor peut créer des effets indésirables chez un patient, a aussi indiqué l'expert.

Au moment du choix du jury, les candidats retenus ne devaient pas connaître ni encore moins consommer de l'Effexor. Les 12 jurés ont eu droit à un long et aride exposé magistral sur les mécanismes d'action des médicaments sur le système nerveux central. Le juge Jacques Lévesque a même souligné à quel point les explications étaient complexes. «Malgré tous les efforts de l'expert, on n'est pas des élèves faciles», a dit le magistrat. À la fin de la journée, l'expert n'avait pas encore parlé des effets de l'Effexor sur Francis Proulx, si bien qu'il poursuivra son témoignage lundi.

En matinée, le juge Lévesque n'a pas expliqué devant les jurés les «questions de droit» pour lesquelles il avait ajourné la veille. Avant de les convoquer, il a toutefois tenu un débat hors jury, dont les médias ne peuvent rapporter la teneur.

Cet ajournement surprise est survenu au lendemain du témoignage de l'expert de l'Institut Philippe-Pinel, Louis Morissette. Le psychiatre a avoué avoir «menti» sous serment et s'être «trompé» sur la preuve consultée pour préparer son témoignage. Il avait toutefois précisé que cela ne changeait rien aux conclusions de son expertise. Selon lui, Francis Proulx n'aurait pas tué Nancy Michaud s'il n'avait pas consommé de l'Effexor.

Ce matin, le magistrat a donné des directives générales au jury sur la façon d'apprécier le témoignage d'un témoin expert - un témoin qui a des connaissances spécifiques dans un domaine particulier. «Leurs témoignages ne sont toutefois pas différents des autres témoignages. C'est à vous d'apprécier leur degré de crédibilité», a indiqué le magistrat.

Francis Proulx, 29 ans, est accusé du meurtre prémédité de Nancy Michaud, une mère de famille de 37 ans. Tous deux vivaient à Rivière-Ouelle dans le Bas-Saint-Laurent.