Profitant de sa position de directrice d'une succursale de la Banque Royale du centre-ville de Montréal, Josie Cioffi a soutiré frauduleusement plus de 4 millions de dollars sur une période de quatre ans, en accordant des prêts à des personnes fictives. Pour ces crimes, Mme Cioffi a écopé d'une peine de deux ans moins un jour à purger dans la collectivité, hier, au palais de justice.

La Couronne demandait six ans de prison, vu l'ampleur et la durée de la fraude (de 1997 à 2001), et l'abus de confiance de madame face à son employeur. Le juge Jean-Pierre Boyer a trouvé que c'était bien sévère, d'autant plus que Mme Cioffi, 50 ans, est dans un processus de réhabilitation. Il s'est dit convaincu qu'elle ne retournera jamais devant les tribunaux. Il a aussi insisté sur le fait que Lorrain Théroux, complice de madame, a écopé de quatre ans de prison dans cette affaire.

 

M. Théroux, 50 ans également, coaccusé de Mme Cioffi, a plaidé coupable en janvier 2008, alors que Mme Cioffi a été déclarée coupable des 46 chefs d'accusation portés contre elle au terme d'un procès. Pendant ce procès, Mme Cioffi et son avocat, Gilles Doré, ont rejeté toute la faute sur Théroux, le présentant comme le cerveau de l'opération, un grand manipulateur, et le seul qui en ait tiré profit. «...C'est Théroux qui a bénéficié en totalité de la fraude commise aux dépens de la RBC», opine le juge Boyer. Le magistrat mentionne que Mme Cioffi n'a rien retiré de cette aventure, hormis une faillite, déclarée en mars 2004, dont elle pourra difficilement être libérée.

De faux clients

Le stratagème de la fraude consistait pour Mme Cioffi à créer des comptes pour des personnes qui n'existaient que sur papier, et à leur émettre ensuite des prêts et des marges de crédit. Elle a ainsi créé des comptes pour 21 personnes virtuelles. Au moyen de traites bancaires, l'argent aboutissait ensuite chez Groupe Finstra, dont l'unique actionnaire était Lorrain Théroux. Mme Cioffi prenait soin d'accorder des prêts de 175 000$ et moins, autrement elle aurait eu besoin de l'approbation d'un supérieur. De son côté, afin de ne pas éveiller les soupçons, M. Théroux remboursait régulièrement les intérêts, par le biais de guichets automatiques.

Le pot aux roses a été découvert en 2001, quand une employée de la Banque Royale s'est étonnée que bien des clients résident à même adresse. Mme Cioffi, qui travaillait à la Banque Royale depuis 25 ans, a évidemment été congédiée.

On n'a jamais su au juste quels liens unissaient Mme Cioffi et Lorrain Théroux, hormis le fait qu'ils s'étaient croisés, en tant qu'employés, à la Banque Royale, à la fin des années 80. À partir de 1994, Mme Cioffi a augmenté son hypothèque personnelle à quatre reprises pour investir dans Finstra, l'entreprise de Théroux.

Le juge reconnaît que de telles fraudes nécessitent habituellement une peine de prison. Mais la présente situation se prête à un sursis, croit-il. Le principe de dissuasion générale est servi par la grande médiatisation de la cause. Mme Cioffi, qui s'était replacée chez Avon après avoir été congédiée de la Banque Royale, a apparemment perdu son emploi en février 2005, quand sa mise en accusation a été médiatisée. Par la suite, elle a occupé deux autres emplois qu'elle a encore perdus à cause de la médiatisation, a indiqué le juge. Aujourd'hui, elle travaille pour SPA Diva Medical, une entreprise d'esthétique. Son patron est au courant de ses démêlés judiciaires, mais veut la garder vu «sa grande compétence».

Pour la première année de son sursis, Mme Cioffi sera assignée à résidence 24 heures sur 24, sauf exceptions, comme son travail. Pendant la seconde année, elle devra se soumettre à un couvre-feu. Elle doit en outre effectuer 180 heures de travaux communautaires et sera soumise à une probation de trois ans au terme de sa peine.

La procureure de la Couronne Céline Bilodeau est sortie visiblement déçue de la salle d'audience. Elle n'a pas écarté la possibilité d'interjeter appel de la peine.