Cent onze membres en règle des Hells épinglés, 22 meurtres possiblement résolus, des centaines de milliers de dollars en drogues saisies.

Michel Auger, journaliste à la retraite spécialisé dans les affaires policières, et le confrère André Cédilot s'entendent: grosse réussite que cette opération. Et pas seulement d'un point de vue stratégique, mais aussi politique, symbolique et de relations publiques.

 

À commencer par le nom de l'opération. Pour donner le nom SharQc au coup de filet, on est allé chercher l'acronyme assez loin - Stratégie Hells Angels Rayon Québec. «Ce qui comptait, ici, c'était de trouver le moyen de bien mettre en valeur le mot Québec, dit notre collègue André Cédilot. Un pareil ménage, ça fait toujours bien paraître les politiciens, et la Sûreté du Québec est toujours sensible à l'aspect politique des choses.»

Les caméras n'étaient pas en reste. Les Américains avaient déjà frappé fort avec la statue déboulonnée de Saddam Hussein. Les policiers n'ont pas non plus négligé l'aspect visuel de l'opération. Le coup des drapeaux des Hells descendus des mâts - «dont les bouts étaient décorés de têtes de mort!» - avait certes force de symbole, fait observer Michel Auger.

Le chiffre fétiche des Hells

Michel Auger va plus loin. Quand les enquêteurs ont dit avoir mis à profit les renseignements colligés dans 81 enquêtes, il soupçonne qu'il y a là un clin d'oeil très réfléchi aux Hells mis à genoux.

C'est que 81 est le chiffre fétiche des Hells. Une question d'alphabet. L'abréviation de Hells Angels, c'est HA. H, c'est la huitième lettre. A, la première. Huit et un donnent 81, un chiffre si prisé par les Hells que lorsqu'ils allaient se prélasser en République dominicaine, c'est sur la Calle 81 qu'ils avaient élu leur quartier de prédilection, explique M. Auger.

Coïncidence ou pas? La question reste entière, de même que quelques autres plus fondamentales savamment escamotées par les policiers, se désole Michel Auger. Par où les Hells se sont-ils inflitrés dans l'économie légale? Et surtout, comment Marc Saulnier, qui a déjà eu deux membres des Hells pour associés, a-t-il pu décrocher le contrat d'exécuter les travaux de fondations du futur quartier général de la Sûreté du Québec à Mascouche?

Quoi qu'il en soit, l'affaire se transporte maintenant devant les tribunaux. Si plusieurs enquêtes passées y ont connu leur Waterloo, Michel Auger a bon espoir que celle-ci ne fasse pas chou blanc. «Le ministère de la Justice travaille de plus en plus étroitement avec les policiers. Les avocats sont mis dans le coup dès le départ pour s'assurer que tout soit fait dans les règles de l'art, de l'écoute électronique jusqu'aux mandats de perquisition.»