Sans doute gêné par la présence des journalistes ou plus simplement mal à l'aise d'affronter les questions embarrassantes des commissaires sur son allégeance à la mafia, le caïd sicilien Paolo Renda a renoncé à son audience devant la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC).

Emprisonné depuis la rafle antimafia de novembre 2006, Renda a déjà purgé six mois de la peine de deux ans de pénitencier qui lui a été infligée l'automne dernier. Désigné comme le consigliere du clan Rizzuto, Renda avait plaidé coupable à des accusations de recel d'argent et de gangstérisme. Les accusations les plus graves liées au trafic de drogue et à d'autres activités illicites étaient tombées, faute de preuves suffisantes.

 

Comme le tribunal n'a pas ordonné qu'il purge la moitié de sa peine, Renda aurait pu être libéré en juin prochain, au tiers de sa peine. À moins d'une recommandation défavorable des autorités pénitentiaires - et il faut pour cela des circonstances exceptionnelles -, l'influent mafioso sera automatiquement libéré le 10 février 2010. Il aura alors purgé les deux tiers de sa peine.

En refusant de se présenter à la convocation des commissaires qui devait avoir lieu dans les prochains jours, et à laquelle les journalistes pouvaient assister, Renda n'aura pas, comme c'est généralement le cas avec les détenus qui souhaitent sortir avant le moment initialement prévu, à parler de sa vie et de ses activités, licites et illicites. Au besoin - ils l'ont notamment fait avec Moreno Gallo et Gerlando Caruana -, les commissaires auraient pu l'interroger sur ses origines mafieuses, ses habitudes de vie, son rôle au sein du clan Rizzuto, ses fréquentations - aussi bien dans le monde interlope que dans les milieux d'affaires -, ses finances et, bien sûr, les mesures qu'il entend prendre en vue de sa réinsertion sociale.

À la fois le cousin et le gendre du vieux chef mafieux Nicolo Rizzuto, en liberté depuis l'an dernier, Paolo Renda a pris une part active à la guerre qui a permis aux Siciliens de ravir le pouvoir au clan Cotroni, au début des années 80. Fin renard et hautement respecté dans tous les milieux, il a longtemps travaillé dans l'ombre, se servant d'une compagnie de construction comme paravent à ses activités illicites. Tout comme Nicolo Rizzuto et ses autres lieutenants, Renda a dû s'exposer davantage à partir de 2004, à la suite de l'arrestation et de l'extradition de Vito Rizzuto aux États-Unis.

Un résidant de la rue Antoine-Berthelet, dans le chic quartier Saraguay, Paolo Renda traversait souvent la ville d'ouest en est pour aller à l'ancien club social Consenza, désigné comme le quartier général du clan sicilien à Saint-Léonard. Comme les cinq autres dirigeants de l'organisation, il touchait une commission sur les divers rackets des mafieux qui travaillaient pour eux. L'enquête Colisée a aussi démontré que Renda intervenait dans des conflits internes du clan. Il rendait parfois «service» à des hommes d'affaires en intervenant dans des litiges. À l'occasion, il recommandait la manière forte.

En restant six mois de plus derrière les barreaux, le chef mafieux de 69 ans pourrait simplement se voir imposer des conditions, telles que ne pas se trouver en présence d'autres criminels, déposer un bilan de ses dépenses et de ses revenus et se rapporter régulièrement à son agent de libération conditionnelle. Ces conditions s'appliqueraient jusqu'à l'expiration de sa peine, le 16 octobre 2010. À défaut de les respecter, il pourrait être ramené au pénitencier.