Pour la première fois, un Canadien a été condamné pour meurtre prémédité parce qu'il n'avait pas prévenu ses partenaires sexuelles qu'il était porteur du VIH. Et la chlamydia? Et la syphilis? Et le virus du papillome humain, qui peut dégénérer en cancer de l'utérus? Ceux qui ne disent pas à leur partenaire qu'ils sont infectés pourront-ils aussi être emprisonnés?

La cause de l'Ontarien Johnson Aziga, qui a infecté à leur insu sept femmes parmi lesquelles deux sont mortes ensuite, sera portée en appel et il n'est pas impossible que la question se rende jusqu'à la Cour suprême, croit le criminaliste Jean-Claude Hébert. Vu d'ici, la porte est en tout cas grande ouverte, dit-il, à des condamnations de personnes qui ont d'autres infections sexuellement transmissibles.

 

La Cour suprême s'est déjà positionnée sur ces questions, rappelle Me Hébert. Elle a déjà statué que «non, c'est non» et qu'une relation sexuelle doit être précédée d'un consentement conscient, libre et éclairé. Seulement, poursuit-il, comment être absolument certain qu'une personne n'ait pas prévenu son partenaire de son état?

Me Hébert, lui, croit qu'on devrait s'en tenir aux accusations jusqu'ici retenues dans ce genre de situation, à savoir celle d'agression sexuelle grave.

Keith Monteith, directeur général de la Coalition des organismes québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA) se demande quant à lui comment il peut être établi hors de tout doute qu'une personne n'a aucunement parlé à sa partenaire, dans la chambre à coucher, de son état.

«Ce sera la parole de l'un contre la parole de l'autre, dit Keith Monteith, qui signale au demeurant qu'il serait surprenant que M. Aziga ait vraiment voulu tuer ses partenaires. Il ne voulait sûrement pas les assassiner, il voulait seulement avoir des relations sexuelles avec elles.»

Mark Wainberg, directeur du Centre de recherche sur le sida de l'Université McGill à l'Hôpital général juif, est lui aussi sidéré par la condamnation. Oui, bien sûr, «cet homme est un idiot». Oui, d'un point de vue moral, il aurait dû parler, s'il ne l'a pas fait. Oui, dans l'état actuel du droit, les jurés n'avaient peut-être pas le choix. Mais le docteur Wainberg plaide, lui, pour un changement de cap juridique pour que de telles condamnations ne soient plus possibles.

Pour le docteur Wainberg, de telles condamnations risquent de décourager les gens de se faire dépister en se disant qu'en ignorant leur état, ils pourront au moins éviter de finir en prison. Or, dit-il, «il vaut mieux se faire tester plus tôt que plus tard».

Mais là encore, parmi les gens qui ont à coeur la défense des sidéens, il n'y a pas unanimité. Keith Monteith, lui, ne croit pas que les personnes infectées sont tenues d'en prévenir leur partenaire sexuel. «Chez nous (à COCQ-SIDA), vu la stigmatisation qu'entraîne le sida, nous ne conseillerons pas aux personnes de révéler qu'elles sont infectées, mais nous disons qu'elles doivent se protéger.»

Les cas du genre se multiplient devant les tribunaux. En février 2008, la Cour du Québec avait par exemple déclarée coupable de voies de fait graves et d'agression sexuelle une femme qui avait eu une relation sexuelle avec un homme sans le prévenir au départ qu'elle était séropositive.

À Saint-Hyacinthe, on attend toujours la date de procès d'un homme accusé d'agression sexuelle grave pour avoir caché son état à une femme qui a ultérieurement succombé au sida.