Privée d'un voyage scolaire à Québec à cause d'un conflit avec son père, une adolescente de 12 ans, appuyée par sa mère, avait obtenu de la Cour supérieure l'autorisation d'y participer. Hier, la Cour d'appel a rejeté la contestation du père et confirmé que le tribunal a eu raison de se mêler de la dispute parentale.

Les trois juges du plus haut tribunal de la province ont estimé qu'en présence d'un conflit relatif à l'exercice de l'autorité parentale qu'il n'a pas été possible de résoudre en conciliation, la Cour supérieure se devait de trancher. Cela dit, la Cour d'appel précise qu'elle ne se prononce pas sur «le bien-fondé de la position de chacun des parents».

 

Lors des audiences, les trois juges ont constaté que les racines du conflit entre les deux parents divorcés étaient anciennes. Les parents, qui se sont séparés quatre ans après la naissance de leurs jumeaux, n'ont cessé de recourir aux tribunaux pour régler leurs conflits de garde «en l'absence totale d'une communication fonctionnelle», est-il écrit dans le jugement. «Ils ont besoin de thérapie tous les deux», a lancé, lors des audiences en janvier, l'un des trois juges en parlant des parents.

À l'époque des faits, les jumeaux, un garçon et une fille, résident principalement avec leur père. En mai 2008, le père se dispute avec sa fille à la suite d'un «échange acerbe» entre celle-ci et la conjointe du père. Il prive sa fille d'une participation à un spectacle de danse et lui interdit d'accompagner sa classe en voyage scolaire à Québec, voyage auquel participe également son frère jumeau.

La jeune adolescente s'en va alors vivre avec sa mère, qui l'autorise à participer au voyage, en paie les coûts et accompagne même le groupe. Mais le père fait pression sur la commission scolaire en insistant sur son statut de gardien de l'enfant: celle-ci refuse de trancher entre les deux parents et écarte la jeune fille du voyage.

L'élève fait donc appel à l'avocate qui avait été désignée pour la représenter, elle et son frère, lors des disputes de ses parents devant les tribunaux. L'avocate en arrive donc à présenter sa requête en Cour supérieure. Le 13 juin 2008, à quelques jours du départ, la juge Suzanne Tessier autorise l'enfant à faire le voyage parce qu'il en va de son meilleur intérêt et parce que la jeune adolescente avait déjà été punie. De plus, la jeune fille réside maintenant exclusivement avec sa mère, qui détient ainsi de facto l'autorité dans la «gestion routinière» des affaires parentales.

C'est ce que souligne la Cour d'appel: le Code civil précise que l'autorité parentale revient aux deux parents. Dans le cas où un jugement remet la garde de l'enfant à l'un des deux parents, cela n'investit pas ce parent «de toute l'autorité parentale, ni ne lui donne une tutelle prépondérante». En revanche, «la prise de décision pour les questions routinières suit l'enfant».

Dans ce cas-ci, dit la Cour d'appel, l'autorisation de participer ou non au voyage revenait à la mère, avec qui habitait désormais l'élève. Mais si le père avait été d'avis que le voyage compromettait la santé, la sécurité ou le développement de son enfant, ou était contraire au projet éducatif convenu avec la mère, il aurait pu en saisir la Cour supérieure pour renverser la décision de la mère.

Par ailleurs, la Cour supérieure a également eu raison de recevoir et d'entendre la requête au nom de l'enfant. «La Cour supérieure n'est pas un forum où un enfant peut venir contester une punition imposée par un de ses parents ou d'un commun accord», écrit la Cour d'appel. Cette procédure doit rester «exceptionnelle».

Mais dans ce cas, l'enfant a prouvé qu'elle était capable «de prendre des décisions, comme celle de contacter l'avocate, et d'exprimer ses attentes». Elle se trouve coincée entre des parents qui s'affrontent depuis plusieurs mois quant au partage des responsabilités parentales. Un rapport d'expert, produit lors de l'un de ces affrontements en cour, a révélé que les enfants «vivaient péniblement un stress important causé par les tensions existantes entre leurs deux parents.»