Le ciel était gris ce matin sur la rue de l'Adjudant, où la veille, s'est joué un drame familial, le deuxième en une semaine à Laval.

La morgue est venue chercher les corps des deux fillettes vers 8h30. L'ambiance était lourde dans le quartier. Une voisine immédiate des lieux de la tragédie traversait les cordons policiers en agrippant fermement ses deux enfants avec chaque main. Les deux enfants, sensiblement de l'âge des deux fillettes retrouvées mortes, avaient leur sac d'école sur le dos. Leur mère marchait en ravalant des sanglots. Plusieurs parents de ce quartier familial sont sous le choc ce matin. Quelques enfants jouent au parc des Ambassadeurs, tout près des lieux du drame. Des dessins à la craie tapissent les trottoirs et une ruelle tout près de la maison des victimes.

Sous le couvert de l'anonymat, une mère de famille du quartier s'est dite ébranlée. Deux de ses quatre enfants allaient à l'école avec Sabrina et Amanda. «C'est dur pour moi d'expliquer ce drame à mes propres enfants. Je n'ai pas dormi beaucoup cette nuit, j'ai appelé d'autres parents du quartier. J'ai mal au ventre en songeant de quelle manière expliquer ce drame aux enfants», raconte cette femme, qui compte sur la direction de l'école pour expliquer la situation aux enfants. «J'écoutais les nouvelles avec mes enfants ce matin et ils m'ont dit : elles sont mortes? Je leur ai répondu qu'ils en sauront plus en arrivant à l'école.»

À l'école primaire Genesis, du quartier Duvernay, des voix enfantines résonnaient dans ce petit établissement d'environ 300 élèves aux portes bleues et aux murs couverts de dessins. La direction a fait le nécessaire pour accueillir les élèves et les enseignants ce matin. «La plupart de nos parents ne savaient pas comment l'annoncer à leurs enfants. On a donc mandaté une équipe spécialisée sur le deuil. C'est une journée très difficile pour le personnel. Nos professionnels vont rencontrer les élèves, certains le savent, d'autres pas», explique Anne-Marie Lepage, directrice générale de la commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier.

Difficile, reconnaît Mme Lepage, d'expliquer à des enfants l'inexplicable. «On doit leur donner les faits, crûment. Que deux élèves de deuxième et quatrième année ne reviendront pas cette année. Certains élèves réagissent sur le coup, avec émotion, d'autres absorbent la nouvelle sans broncher», souligne la directrice générale, qui assure qu'un suivi des élèves et des enseignants est en place pour les prochains jours.

Dans le stationnement de l'école, Élizabeth A. Hoadley peinait à contenir ses larmes. Responsable d'une classe d'art parascolaire - les Mini-Maîtres - elle y côtoyait Amanda et Sabrina depuis des années. Ses yeux s'illuminent lorsqu'elle parle de Sabrina, sa petite tornade qui la faisait rire constamment et de sa soeur Amanda, plus réservée mais une vraie poupée. «Je suis triste pour les filles, mais croyez-moi, leur mère les adorait. Ce n'est ni une femme horrible ni un monstre», assure Mme Hoadley.

Entre ses mains, elle tient un des sept livres pour enfants qu'elle doit déposer demain chez l'éditeur. Deux fillettes à l'air espiègle en train de faire des bulles sont dessinées sur la couverture du manuscrit, titré My Own Castle. Amanda et Sabrina l'ont inspiré dans l'écriture de cette histoire, qui parle de deux soeurs qui s'ennuient de leur père. Mme Hoadley a en eu l'idée lorsqu'elle avait proposé à son groupe de faire un projet artistique destiné aux papas. «Amanda et Sabrina m'ont répondu qu'elles ne pouvaient pas. Ça m'avait brisé le coeur», confie Mme Hoadley, qui a mis un an à rédiger cette histoire.

Adèle Sorella, la mère des jeunes victimes, a été arrêtée cette nuit après un accident survenu sur le rang Bas-Saint-François. Les policiers lavallois enquêtent sur les circonstances de cet accident et n'écartent aucun scénario. La mère en détresse aurait-elle tenté de mettre fin à ses jours après avoir tué ses fillettes de huit et neuf ans? «Il y avait des traces de dérapage et elle était seule dans son véhicule. Toutes les hypothèses sont sur la table. Il reste à savoir si elle a fait exprès ou si elle allait trop vite», souligne Nathalie Laurin de la police de Laval.

La voiture de Mme Sorella a embouti un poteau électrique. La conductrice n'a pas été blessée dans la collision. «Elle tenait des propos incohérents à l'arrivée des policiers», ajoute Mme Laurin.

La mère de famille a été conduite directement à l'hôpital, afin d'y subir une évaluation psychiatrique. Adèle Surella ne sera pas en mesure de comparaître aujourd'hui. Les médecins lui ont prescrit au moins 24 heures de sédatifs. La mère de famille serait en état de choc.

La femme de 43 ans travaillait comme agente à la société immobilière Sutton installée à Laval. À notre passage, ce matin, la direction a préféré ne pas commenter le drame.