Recherché depuis 10 ans aux États-Unis pour agressions sexuelles graves avec lésions contre un enfant, Russell Victor McCollum s'est refait une deuxième vie à Montréal à partir de 1999. Sa fiancée et ses nombreux amis connaissaient sous le nom de Jeremy Thomas ce jeune homme serviable, qui écrivait des romans et des nouvelles mais n'a jamais eu d'emploi stable. Ils n'avaient aucune idée de son passé.

Arrêté mardi dans son appartement de la rue Chomedey, M. McCollum a échoué hier dans sa tentative de recouvrer la liberté. Il sera de retour la semaine prochaine devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui se penchera sur son expulsion du Canada.

 

Mince, chauve, poli, le jeune homme de 30 ans a pourtant tenté avec aplomb de convaincre le commissaire qu'il était devenu un homme nouveau en débarquant à Montréal. Un an après sa fuite des États-Unis, en 1999, il a expliqué avoir décidé de changer de nom sur les conseils de sa famille parce qu'il était «paranoïaque». Il a multiplié les petits emplois et faisait le ménage chez des amis pour survivre. Il a rencontré Stavroula, Montréalaise d'origine grecque, s'est fiancé et a emménagé avec elle en octobre 2004. «Jeremy» a avoué à la jeune femme qu'il avait immigré illégalement au Canada, mais il n'a jamais évoqué ses démêlés avec la justice. Stavroula était prête à l'épouser et à le parrainer, mais il retardait sans cesse le mariage. La jeune femme a commencé à s'impatienter.

«C'est là que j'ai commencé à me dire que le temps était venu pour moi de vivre une nouvelle vie et de faire face à la justice, a déclaré McCollum au commissaire Yves Dumoulin. Je rêve d'une meilleure vie avec ma fiancée.»

Stavroula est venue assurer la Commission qu'il ne s'enfuirait pas s'il est libéré. Employée d'un centre d'appels, elle gagne quelque 35 000$ par année et s'est engagée à verser une caution de 5000$ pour permettre à son fiancé de sortir de prison. Elle a soutenu faire confiance à McCollum même s'il lui a caché son passé. «Je ne le blâme pas, étant donné les circonstances. Je l'aime quand même, je me fous des accusations portées contre lui, a-t-elle dit à l'audience. Je le connais depuis cinq ans, je sais quelle personne il est. Je sais aussi ce qui s'est passé aux États-Unis, mais les circonstances ne sont plus les mêmes.»

Sur les conseils de son père, aujourd'hui décédé, McCollum a raconté avoir pris l'autocar en novembre 1999 et franchi la frontière entre l'État de New York et l'Ontario. Il faisait alors face à quatre chefs d'accusation d'agressions sexuelles graves contre un jeune garçon. Les événements se seraient produits à Nashville, au Tennessee, alors que McCollum était le tuteur et mentor de l'enfant, qu'il avait rencontré par l'entremise de l'église locale. Selon les autorités, il l'aurait agressé sexuellement à plusieurs reprises.

McCollum n'a rien dit de ces événements hier. Sa fiancée a pris sa défense en assurant que «les parents du jeune garçon aux États-Unis ne voulaient même pas porter plainte. C'est l'État qui s'est impliqué». Son avocat, Jean Gobeil, a rappelé que McCollum n'avait jamais été reconnu coupable de quoi que ce soit, ni aux États-Unis ni au Canada.

Trois mandats d'arrêt, dont un par le FBI le 12 mars 2001, ont été lancés après que McCollum eut fait faux bond à son procès. Deux cautions totalisant 50 000$, déposées par la famille du jeune homme, ont été saisies par l'État. Ces faits et la gravité des accusations auxquelles il fait face ont convaincu le commissaire de le maintenir en détention jusqu'à la semaine prochaine. La CISR se penchera alors sur les faits entourant son séjour illégal au Canada et pourrait décider de son expulsion.

Parallèlement, on a appris hier que les autorités américaines avaient entamé les démarches d'extradition.