Francis Proulx s'est décrit comme un «solitaire», «très nerveux», lorsqu'il a été soumis au test du polygraphe l'été dernier.

Proulx a accepté de se soumettre à ce détecteur de mensonges, alors que le corps de Nancy Michaud n'avait pas encore été retrouvé. Les jurés ont commencé à visionner l'enregistrement vidéo du test, mercredi après-midi, au procès de l'homme de 29 ans accusé du meurtre prémédité de Mme Michaud, au palais de justice de Québec. Un enregistrement qui dure «plusieurs heures», a averti la procureure de la Couronne, Annie Landreville.

Au départ, Proulx a nié être impliqué dans l'enlèvement de Mme Michaud. «J'ai rien à voir là-dedans», a-t-il dit, vêtu tout de noir comme à l'habitude. Il a émis l'hypothèse que l'attachée politique du ministre Béchard avait été enlevée pour des raisons politiques. «Tout de suite, j'ai pensé à Béchard. Un genre de kidnapping à cause du prix du gaz (...) Les gens chialent qu'il ne met pas ses culottes», a-t-il raconté de sa voix nasillarde.

Proulx croyait à l'époque avoir été soupçonné de l'enlèvement en raison d'«une histoire de vol de 100 000$» pour laquelle il devait comparaître la semaine suivante. L'homme de 29 ans a répondu aux questions très personnelles du polygraphiste de la SQ, sans aucune hésitation.  Il a raconté avoir une «santé fragile». Deux ans plus tôt, il a eu des «idées noires» qui l'ont poussé à consulter un psychiatre. Depuis ce temps, il consomme de l'Effexor, un antidépresseur. Il ne boit pas d'alcool et n'a jamais touché à la drogue, selon son témoignage. Il a toujours été célibataire.

Le polygraphiste lui a demandé comment il entrevoyait l'avenir. «C'est le néant, pas mal», a-t-il répondu. Au moment de son arrestation, Proulx était sans emploi. Il a complété deux diplômes professionnels en électronique et en soudage-montage. Il naviguait sur Internet jusqu'aux petites heures du matin en écoutant de la musique classique à la radio, a-t-il expliqué.

Proulx a été élevé par sa grand-mère. «Ma mère est dépressive, pis Témoin de Jéhovah. Regarde, ça fait un beau mélange», a-t-il ajouté. Enfant, il n'a pas eu de contacts avec son père. Aujourd'hui, il refuse de voir sa mère. «Je veux pas la voir. J'ai trop de mauvais souvenirs (...) Ma mère me brassait.»

L'expérience la plus traumatisante de sa vie ? «Quand quelqu'un meurt dans ma famille, ça me gèle.» La plus belle de sa vie ? Lorsque sa tante lui a dit qu'il hériterait à sa mort de sa terre et de sa maison de Rivière-Ouelle. Proulx ne connaissait pas personnellement le couple Michaud-Casgrain, seulement «de vue», selon son témoignage. Durant le test, Proulx a énuméré les raisons pour lesquelles une personne voudrait s'introduire pas effraction dans une résidence. «Y a du vol, des agressions sexuelles. Y en a qui sont plus malade mental, c'est juste un trip», a-t-il souligné. Le visionnement de la bande vidéo du test du polygraphe se poursuit demain.

Un mari dévasté

Vêtu d'un complet noir, l'air affligé, le mari de Nancy Michaud avait la voix étranglée par l'émotion lors de son témoignage, mercredi, au procès du présumé meurtrier de sa femme au palais de justice de Québec.

Daniel Casgrain a dû faire plusieurs pauses, retenant difficilement ses larmes. L'homme de 43 ans a raconté en détail la journée du 15 mai 2008, dernière journée où il a vu sa conjointe vivante. L'accusé, Francis Proulx, est resté impassible durant le témoignage. 

M. Casgrain a dîné avec sa conjointe ce midi-là dans leur résidence de Rivière-Ouelle, village de 1200 habitants du Bas-Saint-Laurent. «Je l'avais trouvé tellement belle, a-t-il raconté, ému. Je l'avais serrée dans mes bras (...) C'était mon dernier câlin.» En après-midi, Mme Michaud, attachée politique du ministre Claude Béchard, est retournée au travail.

Peu avant 16h, le couple s'est recroisé à la maison. Pressée, Mme Michaud a récupéré un discours, qu'elle devait prononcer plus tard dans la journée à une conférence de presse organisée dans la salle communautaire du village. «On n'a pas eu le temps de s'embrasser. C'est la dernière fois que je l'ai vue», a dit M. Casgrain.

M. Casgrain, opérateur chargeur, est ensuite parti faire son quart de nuit, aux Tourbières situées non loin de la résidence familiale.  Sa femme l'a appelé vers 19h pour lui raconter sa «belle journée». Elle «adorait travailler pour Claude», a-t-il souligné.

Ironie du sort, à son retour du travail vers 2 h 30 du matin, M. Casgrain a croisé la Suzuki Swift de Francis Proulx sur la route. Il a été surpris que la voiture accélère devant lui, puisque Proulx, surnommé l'«oiseau de nuit», roulait toujours lentement dans le village.

Une fois à la maison, M. Casgrain a suivi sa routine : léger repas, douche, becs à ses deux garçons endormis. Puis, il est allé se mettre au lit, sans allumer les lumières. Quand il a voulu se coller contre sa femme, il s'est rendu compte qu'elle n'était plus là. «Nancy aimait tellement ses enfants. Ça ne se pouvait pas qu'elle les ait laissés tout seuls», a-t-il raconté. Il a tout de suite alerté sa belle-mère et la police. Deux jours plus tard, le corps de la mère de famille de 37 ans a été découvert sans vie, nu et ensanglanté, dans le sous-sol d'une maison abandonnée de Rivière-Ouelle.

L'aîné de Nancy Michaud, Charles-Étienne, sept ans, s'est réveillé vers minuit, le soir de l'enlèvement. Il a entendu deux voix, dont celle de sa mère. «Ça brassait dans la maison», a raconté l'enfant aux enquêteurs. Il a entendu deux coups dans la cuisine, puis il s'est rendormi. Il s'est réveillé à nouveau vers 4h30 du matin. Son «papa pleurait». Son témoignage a été déposé en preuve sans qu'il ait besoin de venir en cour.