Tant que le maire Gérald Tremblay n'aura pas fait les vérifications d'usage avec son service de police, la Ville de Montréal ne s'excusera pas auprès des citoyens arrêtés par erreur, traumatisés, blessés ou brutalisés sans raison par des membres de la police, ni auprès des journalistes retenus à tort, lors de la manifestation de dimanche, a dit le maire à La Presse, hier.

M. Tremblay trouve toutefois que ces bavures sont «regrettables et malheureuses».

Le maire Tremblay dit que le travail des policiers a été «bon», dimanche. Mais très attaché aux principes de la démocratie, il considère que les incidents concernant des citoyens qui n'avaient commis aucune infraction et la séquestration des journalistes Michèle Ouimet (La Presse) et Bruno Coulombe (Radio-Canada), ont été «regrettables».

 

«C'est très regrettable qu'il y ait eu certaines personnes qui aient fait partie de ce groupe (retenu par des policiers) et pour connaître Michèle Ouimet, je suis certain qu'elle n'a pas couru après ça. Elle faisait son travail de journaliste et elle s'est trouvée là au mauvais moment.»

Le maire compte, après enquête, apporter des mesures correctives à l'organisation «tant à l'amont qu'à l'aval» des manifestations publiques. «S'il y a moyen de faire les choses différemment, il faut y réfléchir, dit-il. Quand j'ai lu l'article (de Rima Elkouri) sur le «monsieur Tremblay», surtout quelqu'un qui n'a jamais été interpellé par la police, qui n'a jamais rien eu à se reprocher, avoir des menottes, aller dans un poste de police jusqu'à 23h, ce n'est certainement pas une bonne expérience.»

La Ville va-t-elle s'excuser? «Je veux juste vérifier avec le service de police avant, dit le maire. C'est bien beau s'excuser, mais si on ne veut pas que cela se reproduise, il faut trouver des moyens. Mais quand j'ai lu les articles de Michèle Ouimet et de Rima Elkouri, j'ai trouvé ça regrettable.»

Difficile de faire la distinction

De son côté, le conseiller Claude Dauphin, responsable de la Sécurité publique à la Ville, dit qu'il est «malheureux que de tels incidents se soient produits» et ajoute que «ce n'est sûrement pas facile pour le policier de distinguer le vrai manifestant, qui veut tout casser, du journaliste et du passant». «La vraie question, c'est comment régler ça? Il faudrait peut-être demander à nos policiers de distinguer davantage, mais ça ne doit pas être facile pour eux», dit-il.

Une des personnes séquestrées par la police aurait pu avoir une grave crise d'asthme ou l'ingénieur avoir un problème de santé: cette procédure n'est-elle pas dangereuse? «Je vais en discuter avec le directeur du SPVM, pour voir ce qu'on peut faire à l'avenir pour éviter ce genre d'événement», dit M. Dauphin, qui ajoute que la Ville changera le «modus operandi» des manifestations afin qu'elles soient mieux coordonnées. Un parcours déterminé à l'avance et un permis de manifester pourraient être institués. M. Dauphin n'a pas dit si la police pourra encore faire des arrestations de masse, sans discernement.

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec, qui délivre une carte de presse, a décidé de rencontrer le SPVM pour analyser la situation. Claude Robillard, secrétaire général de la FPJQ, n'écarte pas la possibilité de moderniser cette carte de presse qui identifie les journalistes. Doit-on envisager le port d'une veste ou d'un brassard jaune marqué MÉDIA pour reconnaître les journalistes? «Ça peut être acceptable pour les journalistes de la FPJQ, mais pour ceux qui ne sont pas membres, difficile de trouver une solution universelle», dit M. Robillard.

Pour le chef de l'opposition à Montréal, Benoit Labonté, «il y a eu un manque d'encadrement de la manifestation par ses organisateurs». «Dans le feu de l'action, ce n'est jamais facile, dit-il. Un post mortem s'impose avec tous les acteurs. Pas pour blâmer à gauche et à droite. Pour s'assurer que la prochaine fois, il n'y ait pas d'écart de cette nature.»

Enfin, le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, estime que les bavures de la police montrent «qu'elle fait un usage inapproprié de ses pouvoirs discrétionnaires». «Que la police ne fasse pas la distinction entre quelqu'un d'agressif et le simple passant me fait dire que si j'étais opposé au règlement sur l'interdiction du port du masque, je le suis maintenant d'autant plus, dit-il. Il y a un manque de jugement de la part de la police.»

eric.clement@lapresse.ca