Détenu modèle quand il était en prison, l'as de la logistique du gang des «narcotorpilles», Pierre Tremblay, reprenait ses activités illicites quand il était en libération conditionnelle. Il maintenait des rapports avec un policier de la GRC depuis déjà 13 ans, en «cas de pépins», quand il s'est décidé à se mettre à table et à collaborer avec la police, à la fin de 2004.

«Depuis 1991, je le contactais pratiquement chaque année. Ce pouvait être un coup de téléphone ou une carte de Noël. Je ne lui disais rien. Il m'était sympathique et je voulais simplement le garder de mon bord, en cas de pépins», a relaté Pierre «Panache» Tremblay, en référence au policier John Golden, du détachement de la GRC à Québec. En échange d'une récompense de 400 000$ - il lui reste encore 115 650$ à recevoir -, Tremblay s'est mis au service de la police en infiltrant des réseaux de trafiquants de drogue liés au caïd Raymond Desfossés.

 

Témoignant au procès des frères Frédérick et Marc-André Brind'Amour, accusés en Cour du Québec dans une affaire d'importation de 52 kg de cocaïne mise au jour en 2004 au Nouveau-Brunswick, Tremblay a notamment dit avoir communiqué avec l'enquêteur Golden, alors qu'il purgeait une peine de 15 ans à l'Institut Leclerc, à Laval. «Je voulais mettre les chances de mon bord en vue d'une libération conditionnelle», a-t-il dit. L'appel a été fait quelques mois après son arrestation en 1999 pour son implication dans une importation de 206 kg de cocaïne survenue 10 ans plus tôt. Tremblay, qui était en libération conditionnelle, a raconté qu'il était en train de monter un projet de culture de marijuana en serre hydroponique avec Raymond Desfossés.

Qu'à cela ne tienne, il a été libéré en novembre 2002, seulement 30 mois après sa condamnation à 15 ans de pénitencier, le 24 mai 2000.

«La police n'a rien eu à voir là-dedans», assure-t-il, expliquant qu'en vertu du système de calcul des peines par le Service correctionnel canadien (SCC), il était déjà libérable dans l'année qui a suivi sa sentence de 15 ans.

Peu après sa sortie en 2003, Tremblay dit avoir revu Raymond Desfossés et repris de plus belle ses trafics de cocaïne. Tout cela à l'insu de son agent de libération conditionnelle, qu'il avait l'obligation de rencontrer une fois par mois, à Laval.

«Évidemment que je ne lui disais pas que j'étais retombé dans le crime», a-t-il précisé devant le tribunal. C'est en partie parce qu'il craignait de retourner à l'ombre qu'il a décidé de collaborer avec la GRC, à partir du 31 décembre 2004.

En attendant de signer son contrat d'agent source, le 2 septembre 2005, il a rencontré les policiers à maintes reprises pour leur étaler son passé criminel. Il les tenait aussi informés des faits et gestes de criminels de son entourage. Pendant plusieurs mois, il s'est même permis de trafiquer de la cocaïne au kilo. «J'avais une grosse clientèle à m'occuper et beaucoup d'argent à collecter», s'est-il défendu. Après s'être confié à ses contrôleurs de la GRC, il s'est fait avertir: «Si tu te fais prendre, on ne pourra rien pour toi.»

À l'en croire, c'est son statut de «libéré conditionnel» qui a causé le plus de problèmes à la GRC, «car il m'était interdit de fréquenter des criminels», a-t-il dit. Selon lui, les policiers se sont arrangés, à l'été 2005, pour que cette condition soit biffée de son dossier.

Estimant abusif que les policiers aient fermé les yeux sur les activités illicites de Tremblay, Mes Marco Robert et Michel Grenier, avocats des frères Brind'Amour, ont déposé une requête en arrêt du processus judiciaire, hier. Même si elle arrive tardivement, le juge Claude Parent a décidé qu'ils pourraient la plaider une fois que le ministère public aura clos sa preuve, aujourd'hui.