L'agression sauvage perpétrée lundi contre deux chauffeurs de taxi montréalais dans le quartier Petite-Bourgogne sème la consternation chez les confrères de travail des victimes. L'une d'elles réclame de meilleurs dispositifs de sécurité dans les taxis.

Garés hier matin dans une halte à l'angle de la rue Garnier et de l'avenue du Mont-Royal, quelques chauffeurs de Taxi Diamond étaient ébranlés et indignés par ce qu'ont subi deux de leurs collègues, poignardés durant leur quart de travail.

 

Parmi eux, Frédéric Balin déplorait les violences commises contre ses collègues sans toutefois se montrer surpris. «Je pense que ça va arriver de plus en plus à cause de la situation économique. Les gens croient à tort qu'on a de l'argent dans nos poches», a pesté l'homme de 59 ans, qui sillonne les rues de la ville depuis 15 ans.

Le vol serait d'ailleurs le mobile du crime. Deux suspects ont comparu hier après-midi au palais de justice. Dean Allen, 22 ans, et son frère aîné Dwayne, 27 ans, ont été accusés de tentative de meurtre, de vol qualifié, d'agression armée et de voies de fait et lésions.

Les frères Allen seront de retour devant le tribunal vendredi pour l'enquête sur leur libération provisoire. Un troisième suspect, une femme, est toujours recherché par les policiers.

Quant aux blessés, la première victime, Francisco Milcent, est plongée dans le coma après avoir été poignardée entre autres à la gorge. L'autre blessé, Mario Chérémond, a été poignardé et passé à tabac après être venu prêter main-forte à son confrère. Il a reçu son congé de l'hôpital lundi soir.

Manque de sécurité

Hier, M. Chérémond a vivement dénoncé la vulnérabilité des chauffeurs de taxi montréalais. «Dans les voitures de police, une vitre de sécurité protège les patrouilleurs. Pourquoi n'y en a-t-il pas dans les taxis?» a demandé le Montréalais de 29 ans. Mario Chérémond estime que la Ville de Montréal devrait passer un règlement pour obliger les propriétaires de taxi à équiper leurs voitures d'une telle cloison, comme c'est le cas dans certaines grandes villes américaines.

Pour sa part, Frédéric Balin trouve un peu absurde que les chauffeurs doivent eux-mêmes assurer leur sécurité. Un code 13 lancé sur les ondes par le répartiteur exhorte les chauffeurs de taxi des environs à voler au secours d'un des leurs.

«Si c'était un policier et non un chauffeur qui était intervenu, les choses auraient peut-être été différentes», explique M. Balin, qui a lui-même été attaqué au couteau il y a quelques années dans la rue Beaubien par un client qui ne voulait pas payer.

Son collègue Mirbel Sevère semble étonné que l'incident fasse autant les manchettes. Selon lui, les agressions et vols contre les chauffeurs de taxi sont monnaie courante. «Moi, on me vole tout le temps. La plupart du temps, ce sont des femmes et des jeunes. Ils débarquent à un feu de circulation sans payer», déplore l'homme qui conduit un taxi depuis 22 ans. Contrairement à M. Balin, il encourage le recours au code 13 et fait peu confiance aux autorités. «Si on arrive en premier, on va tabasser ces gars-là. Les policiers ne feront rien et nous traitent en plus comme si on vendait de la drogue», plaide-t-il.

Même son de cloche chez Stéphane Exantis, qui apprécierait un meilleur soutien des autorités. «Je laisse très souvent partir des clients sans payer. Ils n'ont pas d'argent ou se montrent agressifs», souligne-t-il.

Diminution des agressions

Préoccupé par les récentes violences, le Bureau du taxi de Montréal affirme néanmoins observer une diminution du nombre d'agressions contre les chauffeurs, passé de 68 en 2007 à 39 l'année suivante.

Le sujet de la sécurité à bord des véhicules sera au menu d'une réunion de la table de concertation de l'industrie du taxi, prévue dans une dizaine de jours. L'érection de cloisons entre le chauffeur et les passagers et l'installation de caméras dans les voitures seront évaluées.

Avec Christiane Desjardins, Catherine Handfield Et Pc