Jugé pour un trafic de 3kg de cocaïne, un ancien entraîneur de gym de Lachenaie a été acquitté sur-le-champ en Cour du Québec, faute d'une preuve suffisante. À l'issue du procès, le juge Serge Boisvert n'a pas eu tellement le choix puisque les éléments les plus incriminants du dossier avaient été malencontreusement jetés à la poubelle par des employés d'entretien du palais de justice de Montréal!

En entendant la décision rendue séance tenante, Robert Joubert, 53 ans, a jeté un regard furtif en direction d'une femme assise dans la salle. Détenu en attendant son procès dans une autre affaire de drogue, il sait qu'il s'en est tiré aussi facilement en raison d'un coup du hasard inouï. Quatre autres individus ont été condamnés en marge du même complot. Ils ont écopé de deux à quatre ans de prison.

 

L'histoire remonte au 30 janvier 2004, alors qu'un indic a avisé un policier de Montréal que les suspects disposaient de cocaïne qu'ils étaient prêts à vendre 34 000$ le kilogramme. Mis sur la piste, un agent double de la police a pris contact avec l'un d'eux. Après diverses tractations, une transaction de 3kg de cocaïne s'est conclue dans un motel de Mascouche. À l'origine, elle portait sur 5kg. Quatre trafiquants ont été arrêtés sur place, tandis que Joubert a été épinglé six mois plus tard au terme d'un supplément d'enquête.

Les policiers montréalais s'étaient mis aux trousses de Joubert après avoir découvert ses empreintes sur les trois paquets de cocaïne saisis lors de l'opération. Après un examen exhaustif des appels faits par cellulaire, les enquêteurs s'estimaient en outre en mesure de démontrer que Joubert avait été en communication avec deux des trafiquants, au plus fort de la transaction concoctée au motel. D'où les trois chefs d'accusation de complot et de trafic de drogue portés contre Joubert.

Balayeur zélé

Mais voilà que, au moment de l'enquête préliminaire, en juin 2006, alors qu'il y avait ajournement pour la nuit et que la salle d'audience aurait dû être verrouillée à double tour, un balayeur du palais de justice de Montréal a jeté au rebut une boîte contenant les précieux téléphones et autres documents de preuve contre Joubert et ses comparses. L'erreur, a révélé l'enquête interne, vient du fait que les agents de sécurité avaient oublié d'apposer un scellé sur la porte donnant sur le prétoire.

Fort des empreintes digitales trouvées sur les sachets de cocaïne et d'une preuve technique, dite par triangulation, des appels entrants et sortants des cellulaires saisis lors de l'opération impliquant l'agent double, le ministère public a tout de même maintenu les accusations contre Joubert. Le juge Boisvert a rejeté la cause en début de semaine. À l'en croire, Joubert est forcément suspect, mais ses empreintes sur les sachets de drogue ne démontrent pas «hors de tout doute» qu'il participait à la transaction.

«La Couronne doit lier l'accusé au sac, mais aussi au crime», a-t-il dit. En ce sens, la disparition des précieux cellulaires s'est avérée fatale. Il reste maintenant à Joubert à se défendre pour son rôle présumé au sein d'un important réseau de trafiquants qui importait du Mexique des centaines de kilogrammes de cocaïne par année. Cette enquête s'est soldée, en novembre dernier, par l'arrestation d'une cinquantaine de personnes, dont plusieurs vétérans du monde interlope québécois.