À son tour de plaider au procès du Hells Angels Nomads Paul Fontaine, Me Carole Beaucage a cherché, hier, en défense, à discréditer le témoignage à charge de Stéphane «Godasse» Gagné, en le dépeignant comme le «meilleur des menteurs». C'est par stratégie, selon elle, que Gagné implique son client dans l'assassinat du gardien de prison Pierre Rondeau, le 8 septembre 1997, à Rivière-des-Prairies.

«Il est clair que Gagné était là, et c'est aussi lui qui a tué la gardienne Diane Lavigne, deux mois plus tôt, en compagnie d'André Tousignant, mais ce n'est certainement pas Fontaine qui l'accompagnait lors du meurtre de l'agent Rondeau», a-t-elle argué, en substance. À l'appui de son propos, elle a rappelé avec insistance que Fontaine aurait déjà dit à Gagné «qu'il n'était pas à l'aise de tuer des gardiens de prison qui nous ont rien fait». Juste au moment de passer à l'action, Fontaine se serait aussi désisté d'un autre sombre projet d'exécution d'un gardien de la prison de Rivière-des-Prairies.

Le plus intriguant, d'avancer Me Beaucage, «c'est que Gagné a tout oublié de ce scénario, alors que tout était prêt, et minutieusement planifié. C'est pour le moins douteux», a déclaré l'avocate. À l'entendre, c'est parce qu'il était pris comme un rat et qu'il voulait obtenir un contrat de délateur à la hausse que Gagné a choisi de dénoncer Maurice Boucher et Paul Fontaine, haut placés dans la hiérarchie des Hells, à la suite de son arrestation dans la soirée du 5 décembre 1997.

«Gagné est assez intelligent pour comprendre qu'en donnant des gens importants, il soutirerait de plus gros avantages. Il a fait monter les enchères en impliquant Fontaine dans le meurtre de l'agent Rondeau», a soutenu Me Beaucage. Tout en rappelant que Gagné n'en était pas à un mensonge près - il a déjà trompé la police et un peu tout le monde du système correctionnel -, elle s'est dite convaincue qu'«il est bien capable d'impliquer des personnes innocentes dans des crimes qu'elles n'ont pas commis».

De l'avis de Me Beaucage, André Tousignant ou peut-être même Steve Boies pourraient tout aussi bien avoir été les compagnons d'armes de Gagné lors du meurtre de l'agent Rondeau. Tousignant, qui a été assassiné peu après, avait trempé dans l'attentat contre la gardienne Diane Lavigne, cependant que Boies avait fait équipe avec Gagné lors d'une tentative de meurtre perpétrée dans la région de Sainte-Adèle. C'est Boies qui a dénoncé Gagné à la police en décembre 1997.

Me Beaucage a par ailleurs noté que Gagné s'était contredit à plusieurs reprises, «souvent sur des petits détails très importants», par rapport à des témoignages qu'il a livrés devant diverses instances, de 1998 à 2002. Elle a surtout insisté sur ses nombreux trous de mémoire. Durant les 15 journées qu'il a passées à la barre, il aurait répondu pas moins de 824 fois n'avoir pas souvenir de ce qu'on lui demandait. «Plus le temps avance, plus sa version change. Quand ça se corsait, jamais il ne niait, mais il cherchait à s'en sortir en disant qu'il ne s'en rappelait pas», a souligné l'avocate de la défense. Elle devrait terminer sa plaidoirie aujourd'hui.

Avant de commencer leurs délibérations, les jurés devront prendre connaissance des directives du juge Marc David. Le procès dure depuis le 6 octobre.