Stéphane Gagné a été arrêté le 5 décembre 1997. Deux semaines plus tard, le jour où Gagné, davantage connu sous le sobriquet de «Godasse», signe son contrat de délateur, la police se rend chez Paul Fontaine pour l'arrêter en marge de l'attaque meurtrière de gardiens de prison de Rivière-des-Prairies, mais il avait disparu de la circulation. Commence alors une longue traque qui se terminera six ans plus tard, à Québec. Fontaine y vivait sous le nom de Jean Goyer.

De l'avis du procureur de la Couronne, cette fuite est significative, sinon fort incriminante pour Fontaine. «Ce n'est pas pour rien qu'il s'est sauvé, il voulait échapper à la justice», a lancé Me Randall Richmond, avant de clore sa deuxième journée de plaidoirie, hier, au procès devant jury du porte-couleur des Hells Angels Nomads. Âgé de 41 ans, Fontaine répond de l'attaque à main armée qui a coûté la vie à l'agent Pierre Rondeau, le 8 septembre 1997.

 

«S'il a abandonné sa femme et ses deux jeunes enfants et qu'il est resté si longtemps caché, c'est que l'enjeu était énorme. Il ne craignait certainement pas une sentence pour un trafic de drogue», de poursuivre Me Richmond, comme pour contrecarrer un possible argument de la défense voulant que Fontaine se soit éclipsé à la suite de la saisie d'une cargaison de 300 kg de cocaïne en 1997. Au moment de sa capture en 2004, Fontaine était en possession d'une panoplie de faux documents de l'Alberta au nom d'un certain Jean Goyer. Il était avec une femme qui tient une boutique de vêtements dans le quartier Vanier, à Québec.

«Tout ça est incriminant, et ça n'a rien à voir avec le témoignage de Stéphane Gagné», a souligné l'avocat de la poursuite, tout en invitant de nouveau les jurés à croire la version du délateur-vedette. D'autant plus que celle-ci est corroborée par «une abondance de faits indépendants», a rappelé Me Richmond. Durant la cavale de Fontaine, les bruits les plus inquiétants circulaient sur son compte. Plusieurs ont longtemps cru qu'il avait subi le même sort que son «frère» motard André Tousignant, assassiné quelques mois après son implication dans le meurtre de l'agente Diane Lavigne, de la prison de Bordeaux.

Toujours selon Me Richmond, c'est seulement au printemps 2001, au cours de la vaste opération antimotard menée partout au Québec, que les policiers ont eu la confirmation que Fontaine était toujours vivant. En perquisitionnant au domicile du Nomads Donald Stockford, les enquêteurs ont trouvé une liste de membres du club élite des Hells Angels sur laquelle figurait Paul Fontaine. «Fontaine a été promu durant sa cavale. C'est dire que les Hells ont approuvé ce qu'il a fait», de conclure l'avocat du ministère public.

Le juge Marc David, de la Cour supérieure, a remis à aujourd'hui le début de la plaidoirie de Me Carole Beaucage, en défense.