L'enquête préliminaire de Michel Hamel, père et organisateur politique de la conseillère municipale de Sud-Ouest, Line Hamel, a eu lieu, hier, au palais de justice de Montréal, dans le cadre des accusations de fraude et de trafic d'influence portées contre lui en 2007: le témoin principal a raconté qu'il avait enregistré les tentatives d'extorsion de M. Hamel.

L'ingénieur Jean-Jacques Rousseau, ex-propriétaire de l'édifice RCA Victor, de la rue Lenoir, a témoigné devant le juge Serge Boisvert. C'est lui qui a porté plainte à la SQ. Michel Hamel lui aurait demandé 75 000$ pour l'aider à obtenir l'accord de l'arrondissement pour transformer cet édifice en un immeuble de commerces et d'appartements.

 

M. Rousseau a dit que Mme Hamel, présidente du comité consultatif d'urbanisme (CCU) qui évalue les projets immobiliers de l'arrondissement, était enthousiaste en 2003 quand il lui avait présenté la version initiale du projet. Les choses se sont gâtées par la suite. Les élus de Vision Montréal ont mis des bâtons dans les roues du projet, demandant notamment des études supplémentaires. Leurs objections étaient «farfelues», a dit M. Rousseau. Il a alors été contacté par téléphone en 2004 par le «contracteur Claude Vaudrin». «Il m'a dit «ton projet est bloqué à la Ville, écoute j'ai quelqu'un qui peut t'aider, t'as pas le choix, ça passera pas sans ça»».

Le 12 novembre 2004, M. Vaudrin lui fait rencontrer Michel Hamel, qui au début est présenté comme «Monsieur Michel». Jean-Jacques Rousseau a raconté ses trois rencontres avec M. Hamel dans une taverne, rencontres qu'il enregistrait, car il trouvait «ça louche».

«Il m'a dit qu'il avait déjà amorcé des discussions avec un des conseillers de l'époque», a dit M. Rousseau qui a identifié ce conseiller comme étant Robert Bousquet. Le procureur général, Céline Bilodeau, a produit les photocopies du napperon de papier sur lequel M. Rousseau et M. Hamel ont griffonné des chiffres: «75 000$» et des «15 000$».

Après ces rencontres, M. Rousseau a refusé «le deal». Il a dit à M. Vaudrin et à M. Hamel que cet arrangement était «de nature criminelle». Il a attendu toutefois les élections municipales de 2005, espérant qu'un changement de majorité à l'arrondissement lui serait favorable. Mais ce changement n'a pas eu lieu.

Par la suite, Line Hamel et ses collègues se sont opposés à ce que le projet aille de l'avant, disant notamment qu'ils ne l'avaient pas assez étudié ou qu'il n'était pas «approprié». Du coup, il porte plainte à la SQ à l'été 2006, ce qui a conduit aux accusations portées contre M. Hamel. Écoeurés par toute cette histoire, M. Rousseau et son associé ont vendu l'édifice l'an dernier.

Normand Proulx, directeur Aménagement urbain de l'arrondissement, a aussi témoigné. Il a dit que Line Hamel avait dit, début 2006, que «de toute façon, je suis contre ce projet». Pendant le témoignage de M. Proulx, Michel Hamel avait la tête baissée et les yeux fermés.

Le juge a retiré le troisième chef d'accusation de fraude porté contre M. Hamel. Pour les deux autres chefs d'accusation, il risque un maximum de cinq ans de prison s'il est reconnu coupable.

Le juge a aussi modifié les conditions que l'accusé doit respecter. Michel Hamel disait qu'en tant qu'organisateur politique de sa fille, des élections s'en venant, il ne pourrait l'aider sans rompre ses conditions actuelles. Le juge Boisvert a accepté que M. Hamel puisse contacter les conseillers Jean-Yves Cartier et Ronald Bossy à partir du 1er avril. «Je ne suis pas sûr que ça va aider que monsieur aide sa fille», a glissé le juge.