En 2010, au moment où les chefs du clan Rizzuto tombaient les uns après les autres, tout le monde, policiers, criminels et avocats, a attendu une réplique qui n'est jamais venue. Tout le monde a cru que c'en était fini des Siciliens. On disait que, du fond de son sombre cachot de Florence, au Colorado, Vito Rizzuto ne faisait qu'assister, impuissant, à cette extermination en règle de son clan et de sa famille.

Visiblement, il n'en était rien. Il préparait méticuleusement sa sortie en envoyant des proches mesurer ses appuis dans des cafés ou des bureaux anonymes de Montréal, nouer des alliances et réveiller ses cellules dormantes.

Moins de quatre mois après sa libération, tout porte à croire que son plan lui permettra de reprendre sa place contre des adversaires affaiblis par une querelle intestine qui a suivi leur putsch de 2010, qui a finalement avorté.

Deux ans plus tard, la riposte tant attendue est commencée. Et elle se déroule «à la sicilienne»: de façon méthodique, implacable et impitoyable.

Depuis le meurtre de l'influent mafioso Joe Di Maulo, commis à Blainville en novembre, on dénombre en effet pas moins d'une dizaine de meurtres et de tentatives de meurtre au sein de la mafia. Le fil conducteur de ces événements est que toutes les victimes, sans exception, étaient liées aux clans qui, selon la police, ont tenté de prendre le contrôle de la mafia durant la détention du parrain: Raynald Desjardins, son bras droit, Vittorio Mirarchi, le clan calabrais dont faisait partie Joe Di Maulo, les frères Arcuri, Salvatore Montagna, Giuseppe De Vito et d'autres anciens lieutenants des Siciliens qui avaient retourné leur veste.

Aujourd'hui, c'est du côté des adversaires des Siciliens que la riposte se fait attendre. Vraisemblablement, il ne reste de cette coalition qui s'est scindée en deux que quelques forces vives. Ce sont elles qui sont les cibles des dernières semaines et qui seront encore visées puisque d'autres individus ont été avisés, par des policiers ou des avocats, que leur vie était menacée.

Pendant que les forces de ses ennemis diminuent, celles de Vito Rizzuto augmentent. Les Hells Angels l'appuient, tout comme des chefs de gangs d'allégeances bleue et rouge unifiés sous la direction de l'ancien Rocker Gregory Woolley. Des chefs de clan ou «hommes d'honneur» restés neutres durant la chute des Siciliens sont également de retour dans son giron. D'autres, à la loyauté incertaine, ont été tassés. En même temps qu'il lutte pour reprendre sa place, Vito Rizzuto pose les bases de la nouvelle structure du crime organisé à Montréal.