La nouvelle ministre de l'Éducation, Marie Malavoy, estime qu'il faut d'abord faire un bilan de l'expérience d'anglais intensif en sixième année avant de songer l'étendre à toutes les écoles d'ici 2015, comme l'ancien gouvernement avait prévu de le faire.

En entrevue à La Presse, Mme Malavoy suggère aussi «que les commissions scolaires ciblent un certain pourcentage de leurs écoles où ce programme pourrait être implanté,mais pas dans 100% des écoles.» Du moins, pas de façon obligatoire d'ici 2015, «ce qui est très bientôt».

Au cours de l'année, elle souhaite que les fonctionnaires se penchent sur cette question. «Il me semble qu'on n'a pas une réflexion suffisante quant à l'évaluation de l'impact» de cette mesure, dit-elle.

Plusieurs questions demeurent sans réponse à ce jour, notamment l'apprentissage de l'anglais pour les élèves qui ont déjà des difficultés d'adaptation ou d'apprentissage, souligne-t-elle. L'implantation de l'anglais intensif à tous les élèves de sixième année a d'ailleurs suscité beaucoup de critiques.

«Détournement politique des écoles», accusent les libéraux

Des propos de Mme Malavoy, rapportés dans Le Soleil ce matin, ont suscité de vives réactions de la part de l'opposition. La ministre y expliquait des éléments déjà connus du programme du parti.

Deux éléments «indignent» le chef intérimaire du Parti libéral (PLQ), Jean-Marc Fournier. Le premier: que Mme Malavoy ait qualifié l'anglais de «langue étrangère». Il y  voit de «l'intolérance».

Des commissions scolaires et des syndicats d'enseignants (voir ici et ici) ont déjà soutenu qu'il manquait de ressources pour l'enseignement intensif de l'anglais, et aussi que certains élèves en difficulté d'apprentissage en souffriraient. Le gouvernement Charest lui-même s'était buté à ces difficultés. Mais selon M. Fournier, l'anglais et le français n'entrent pas en compétition. «C'est l'argument du Parti québécois séparatiste, ça. Et il est faux. [Le français] ne disparaît pas et il ne va pas disparaître», a-t-il assuré ce matin. L'apprentissage d'une autre langue est «un plus, pas un moins», croit-il.

La Coalition avenir Québec a aussi réagi. Selon son leader parlementaire Gérard Deltell, l'anglais est «la langue outil du 21e siècle». «Ce n'est pas la langue de Lord Durham ou des Plaines d'Abraham», a-t-il affirmé. L'anglais est utile pour s'intégrer dans l'économie et ne nuit pas au français, estime-t-il. Et ce n'est pas une langue étrangère, insiste-t-il. Dans sa circonscription au nord de Québec vit une communauté anglophone implanté depuis environ deux siècles, a-t-il rappelé.

En interview avec La Presse, la ministre Malavoy a précisé sa pensée. «On favorise l'apprentissage de l'anglais et des langues étrangères de façon générale, insiste-t-elle. Les jeunes québécois qui veulent trouver leur place dans le monde d'aujourd'hui ont tout intérêt à bien parler leur langue, à connaître l'anglais et si possible, d'autres langues aussi. »

Par contre, le Parti québécois n'a jamais été à l'aise avec l'orientation de l'ancien gouvernement libéral qui a implanté des cours d'anglais dès la première année, rappelle la ministre.

Elle souhaite plutôt ramener les cours d'anglais au début du deuxième cycle du primaire. «L'objectif est que les enfants apprennent l'anglais mais pour nous, c'est tellement précieux que la langue maternelle soit bien ancrée dans les débuts de l'apprentissage.»

La souveraineté à l'école?

L'autre élément qui irrite l'opposition, c'est une citation de Mme Malavoy sur l'enseignement de l'histoire à l'école.

«On a un peu noyé le poisson de la souveraineté. Dieu sait que le débat national au Québec a beaucoup marqué notre histoire récente et il faut que ce soit vu avec du relief et non pas à travers une succession de thèmes qui ne sont pas forcément aussi importants et moins en lien avec notre propre identité», a soutenu la ministre.

En réaction, M. Fournier a sorti ce matin le controversé guide du Conseil pour la souveraineté, daté de 2006, sur l'enseignement de la souveraineté dans les écoles. Mme Malavoy poursuivrait cette démarche. «Elle donne un agenda politique à l'éducation», juge M. Fournier.

Des chercheurs ont déjà qualifié le nouveau cours Histoire et éducation à la citoyenneté de «post nationaliste» et de «multiculturaliste». Le gouvernement Marois veut enseigner davantage «l'histoire nationale», comme le demande une coalition d'enseignants.

Mais au lieu de parler d'histoire nationale, Mme Malavoy a parlé de la souveraineté. Ce choix de mots n'était pas innocents, croit Gérard Deltell, qui y voit un aveu des intentions réelles du gouvernement péquiste. La ministre est une femme «très intelligente» et «cultivée» qui «connaît le poids des mots» et les choisit bien, soutient-il.