Ouvrir une maison familiale rurale dans toutes les régions du Québec. S'il avait une baguette magique, c'est ce que ferait Benoit Caron, directeur général de la Fédération québécoise des coopératives de maisons familiales rurales. «Il faut offrir cette option aux jeunes qui ne sont pas à l'aise à l'école secondaire régulière», plaide-t-il.

Le taux de décrochage scolaire des Québécois est alarmant - un homme sur trois et une femme sur quatre n'ont aucun diplôme à 20 ans. Pourtant, seules quatre maisons familiales rurales, qui réussissent à accrocher les élèves aimant les apprentissages concrets, existent dans la province (dans le Bas-Saint-Laurent, en Estrie, en Mauricie et au Saguenay). Faute de rentabilité possible, la MRC de Rouville a abandonné récemment le projet d'en ouvrir une en Montérégie.

«C'est un concept qui suscite beaucoup d'intérêt, mais qui évolue dans un contexte qui ne lui est pas favorable», explique M. Caron. La portion scolaire des MFR est généralement financée par les commissions scolaires. Mais nul n'est à l'abri de mauvaises surprises.

En juin dernier, la commission scolaire de l'Énergie a annoncé qu'elle retirait sa subvention de 300 000$ par an à la MFR de Saint-Alexis-des-Monts, qui a frôlé la fermeture. C'est in extremis que cette décision a été annulée, après l'intervention de l'ex-ministre de l'Éducation Line Beauchamp.

Sans nouvelles du Ministère

Résultat: seuls 22 élèves se sont inscrits à la MFR à la rentrée, payant une pension nettement insuffisante pour couvrir les frais d'encadrement, de chauffage, de nourriture, etc. «Quand la ministre est venue nous visiter en septembre, je lui ai dit: Sauvez-nous! , raconte Diane Bédard, directrice générale de la MFR. Je ne comprends pas comment ça se fait qu'on n'a pas plus d'aide du gouvernement. On a une formule gagnante, prouvée, contre le décrochage scolaire.»

En effet, 85% des jeunes qui ont terminé leurs études dans une MFR du Québec ont obtenu leur diplôme d'études professionnelles et 65% leur diplôme d'études secondaires (entre 2001 et 2007).

Avant de s'engager davantage, la ministre Beauchamp aurait commandé une étude sur les MFR. «On attendait de ses nouvelles au début du printemps», se désole Mme Bédard. Or, la crise étudiante a entraîné le départ de Mme Beauchamp, et il ne semble pas que celle qui lui a succédé, Michelle Courchesne, ait pris connaissance du dossier.

«Sous toutes réserves, aucune étude n'aurait été transmise à la ministre», a indiqué à La Presse Esther Chouinard, porte-parole du ministère de l'Éducation. «Le Ministère n'est pas impliqué dans le financement de l'internat pour une MFR», a-t-elle ajouté.

Une MFR à Montréal?

Seule solution pour rentabiliser ces écoles alternatives: les remplir au maximum de leur capacité. À la MFR de Maskinongé, qui peut accueillir 90 jeunes, les inscriptions sont toujours en cours. Les adolescents de 15 à 18 ans y sont admis peu importe leur région d'origine, à condition d'être intéressés par un des cours professionnels offerts (production animale, secrétariat, protection et exploitation de territoires fauniques, conduite de machinerie lourde en voirie forestière, abattage manuel et débardage forestier).

«C'est mieux de venir ici et travailler dans un domaine qu'on aime que de décrocher et ne rien faire pendant des années», souligne Nathan Frappier, 17 ans, élève de la MFR.

Même les citadins pourraient bénéficier de la formule, sans s'exiler à la campagne. «On a fait une étude de préfaisabilité sur l'urbanisation des MFR, indique M. Caron. La conclusion, c'est que l'exportation du concept en milieu urbain est fort possible.»

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Parmi les jeunes qui ont terminé leurs études dans une MFR :

> 85% ont obtenu leur diplôme d'études professionnelles



> 65% ont obtenu leur diplôme d'études secondaires



> 39% des élèves qui ont eu leur diplôme se sont inscrits au cégep



Source : Fédération québécoise des coopératives de Maisons familiales rurales. Élèves ayant terminé leurs études entre 2001 et 2007.