Faute de solution alternative, des milliers d'élèves du primaire ont déjà sauté au moins une année au Québec.

La Presse a appris qu'en 2008, 6230 élèves inscrits au primaire avaient au moins un an d'avance par rapport à leurs camarades de classe. Plus de 80 d'entre eux avaient même sauté deux années scolaires, et une poignée... trois années!

Pourtant, le Régime pédagogique de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire est limpide: le primaire doit se faire en six ans, à la rigueur cinq ans, «si l'élève a atteint les objectifs (...) et a acquis suffisamment de maturité affective et sociale».

Le ministère de l'Éducation n'a jamais retourné nos appels pour commenter ces chiffres. Mais plusieurs parents d'enfants précoces joints par La Presse le confirment: très souvent, avec un enfant doué, c'est l'une des premières, voire la seule, solutions envisagées. À preuve, à la CSDM, il n'existe pour ainsi dire pas d'autre option. Sur le site de la commission scolaire, dans la section des «services sur mesure», on ne parle que d'élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation. Pas un mot sur les élèves doués.

Or sauter une année est une solution qui ne convient pas à tous, surtout quand l'enfant, justement, n'a pas la «maturité affective et sociale» requise. Emmanuel peut en témoigner. Après avoir sauté deux années au primaire, il est arrivé au secondaire à 10 ans. «Je ne me suis pas fait un seul ami de tout mon secondaire.» Il faut dire qu'il avait l'air d'un enfant aux côtés de ces ados en pleine poussée de croissance. Ne voulant par ailleurs pas passer pour le «bollé» de la classe, Emmanuel ne s'est pas trop forcé non plus à l'école. «Je suis resté sur le "cruise control" et je n'ai jamais fait d'effort », dit-il. Aujourd'hui père d'un garçon plutôt précoce de 7 ans, il s'interroge : «Je ne sais pas ce qu'on va faire. Sauter une année, ce n'est vraiment pas l'idéal. Parce qu'un garçon de 7 ans, ça reste un garçon de 7 ans...»

Suzanne Tremblay, conseillère en douance et directrice de l'école des Rapides-de-Lachine, est au contraire une adepte de l'accélération. Mais tout ne se joue pas à l'école, tempère-t-elle. Dans une année, «un enfant ne passe que 26% de son temps réveillé à l'école», dit-elle. L'important, par conséquent, c'est qu'à la maison, le parent réponde aux questions de son enfant, le stimule dans ses efforts, le nourrisse dans ses interrogations. Mais surtout, qu'il «laisse son enfant ... être un enfant».