Un nouveau collège secondaire privé accueillera 300 élèves dès le mois de septembre à Boisbriand. L'établissement, qui n'exige aucun test d'admission, veut offrir une solution de rechange aux jeunes qui sont refusés dans les collèges privés traditionnels. Mais pour les syndicats, l'arrivée d'une nouvelle institution privée au Québec est une gifle de plus pour le système d'éducation public.

Anciens employés du collège Letendre, Jocelyne Boivin et Mario Bigras ont eu il y a quelques années l'idée de créer un collège privé dans la couronne Nord de Montréal. Cet hiver, la ville de Boisbriand les a autorisés à construire leur établissement rue Ambroise-Lafortune, dans le nouveau quartier industriel.

 

La construction de l'école n'est pas encore commencée, mais elle devrait être terminée pour le 15 août. Le projet sera financé par des investisseurs privés.

Les élèves de la première à la cinquième secondaire feront leur entrée dès le mois de septembre. «Nous avons déjà reçu 300 inscriptions. Et nous avons dû refuser presque autant d'élèves parce que nous sommes complets», dit Mme Boivin.

Le collège Boisbriand possède un permis d'enseignement de trois ans. Mais il n'a pas encore obtenu d'agrément et ne sera donc pas subventionné par le gouvernement. Les coûts d'inscription s'élèveront à 6800$ par élève. «Il faut faire nos preuves. Mais on demandera notre agrément dès cette année. Et quand on l'aura, les coûts baisseront de 4000$», assure Mme Boivin.

Selon la directrice, la demande pour un nouveau collège privé était forte à Boisbriand. «Dans la région, le taux d'échec au public est de 52%, note Mme Boivin. C'est beaucoup! Nous voulons donner accès à plusieurs élèves à un établissement privé qui offre un bon encadrement.»

Mme Boivin se préoccupe peu du fait que son établissement puisse faire de l'ombre au réseau public. «Les élèves du public qui vont vers le privé ne sont pas satisfaits, affirme-t-elle. Ce n'est pas mon problème.»

Mais pour la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), l'arrivée d'un autre collège privé fera de l'ombre au réseau public. «Avec des frais de 7000$ par année, le nouveau collège réunira des élèves plus fortunés, qui sont réputés pour avoir de meilleurs taux de réussite. On drainera encore les meilleurs élèves du réseau public vers le privé», dénonce le président de la CSQ, Réjean Parent.

Commissaire scolaire de Saint-Joseph-du-Lac-Pointe-Calumet, Claude Girard partage cet avis. Il ajoute que Boisbriand est le secteur qui a «l'un des plus fort taux de décroissance scolaire de la région». «Permettre à une nouvelle institution privée de voir le jour, c'est tirer dans le pied du public.»

Éric Coupal est professeur d'univers social à la polyvalente Jean-Jacques-Rousseau, à Boisbriand. «Plusieurs élèves nous disent qu'ils vont aller au collège Boisbriand l'an prochain. On a eu de la misère à faire six groupes de deuxième secondaire pour l'an prochain. On perd des élèves», remarque-t-il. M. Coupal devra d'ailleurs possiblement aller enseigner dans une autre école, car sa tâche ne sera pas renouvelée.

Le président du syndicat de l'enseignement de la Rivière-du-Nord, Jean Dumais, craint aussi que l'arrivée du collège Boisbriand ne draine ses enseignants. Sa région, qui voisine celle de Boisbriand, est déjà en pénurie. «Nous avons 10 postes en mathématiques et autant en sciences et en anglais qui sont comblés grâce à des tolérances d'engagement. Il y a un risque que le phénomène ne s'accentue», remarque-t-il.

Au cabinet de la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, on se défend de vouloir nuire au secteur public. On explique que chaque école privée qui fait une demande de permis l'obtient si elle répond à trois conditions. L'établissement doit prouver qu'il possède le personnel nécessaire, que sa situation financière est adéquate et qu'il applique le programme d'enseignement du Ministère.

«Mais pour recevoir des subventions, il faut avoir un agrément. Au cours des deux dernières années, aucun collège privé n'en a reçu», dit l'attaché de presse de la ministre, Jean-Pascal Bernier.