Thomas Bolestridge a commencé le secondaire avec deux prises contre lui: il n'avait aucune chance d'obtenir son diplôme dans les délais prévus par le ministère de l'Éducation.

Thomas Bolestridge fait partie de la vingtaine d'élèves qui décident chaque année de se lancer dans un parcours scolaire inusité qui leur permet de faire en six ans les cinq années du secondaire. Dans le programme 2/3 de l'école Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, les première et deuxième secondaires s'échelonnent sur trois ans, plutôt que deux dans la plupart des autres établissements de la province. Les six premiers mois du programme sont presque entièrement consacrés à combler les retards accumulés au primaire.

 

Alors que le ministère de l'Éducation favorise l'intégration des élèves en difficulté dans des groupes réguliers, l'école Saint-Joseph rassemble donc ses élèves de façon plus homogène en fonction de leurs forces. Cette position va à l'encontre des théories mises au point par les pédagogues voulant que la présence des élèves forts dans une classe permette de tirer vers le haut les plus faibles. Mais elle semble ravir les adolescents.

«Au primaire, le professeur n'avait jamais le temps de répondre à mes questions. Il fallait qu'il aille vite pour faire progresser les plus forts et c'était tant pis pour moi. Là, je ne me suis jamais sentie pressée», se souvient Marie-Ève Adam, une finissante du programme 2/3.

«Je n'osais jamais poser de questions dans ma classe parce que j'avais toujours peur de faire rire de moi. Je restais dans mon coin, renchérit Sandrine Letendre, 14 ans. Maintenant, c'est moi qui en pose le plus.»

Les élèves du 2/3 doivent parfois affronter les préjugés des élèves des autres programmes et des autres écoles. L'encadrement est aussi plus strict. Les élèves n'ont pas le droit de sortir le midi avant la troisième année du programme, et encore, ils ne pourront le faire au plus que deux fois par semaine.

Pourtant, les parents de Thomas Bolestridge n'ont pas eu besoin d'insister pour le convaincre de faire le saut.

Quand il termine son primaire à 12 ans, à l'âge où tous les rêves sont permis, Thomas a une vision bien sombre de son avenir. Son estime personnelle est au plus bas: sur une échelle de 0 à 10, elle obtient tout juste un 2. «J'aurais dû redoubler chaque année au primaire: je coulais dans toutes les matières, sauf en anglais, en musique et en éducation physique. J'étais en route pour décrocher», laisse-t-il tomber en entrevue à La Presse.

Mais voilà que dans cette classe où tous les élèves ont connu des difficultés d'apprentissage, Thomas respire un peu mieux. Il progresse. Ses notes s'améliorent, les succès s'accumulent.

«Nous accordons beaucoup d'importance à la motivation, explique Simone Leblanc, directrice des services pédagogiques. Ce sont des jeunes pour qui apprendre, ce n'est jamais facile, et ils peuvent se décourager rapidement. Il faut absolument veiller à leur faire vivre régulièrement des petites réussites.»

«J'ai mis du temps à me convaincre que j'avais vraiment pris la bonne décision. Perdre un an... et tous ses amis qui s'en vont au régulier, ce n'est pas une perspective agréable», dit Thomas. Mais à 18 ans, il s'apprête à faire le saut au cégep en septembre et songe déjà au moment où il poursuivra ses études en informatique à l'université.