À l'école Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe, le tiers des places est réservé aux élèves en difficulté.

«Le tiers de mes élèves seraient refusés dans beaucoup de collèges, mais ici on les prend, dit Pierre Duclos, directeur de l'école privée Saint-Joseph, de Saint-Hyacinthe. On a la fierté d'être un collège privé non élitiste.»

C'est vrai: le revenu familial des 1360 élèves de Saint-Joseph (80 500$) est inférieur à la moyenne québécoise (82 000$). Les mères des élèves ont fait moins d'études que la moyenne (12,6 ans de scolarité contre 12,8 ans au Québec). Et 10,2% des élèves entrent avec un retard scolaire, fait rare pour un collège privé. Malgré tout, le taux de promotion de Saint-Joseph dépasse de beaucoup la norme provinciale (91,1% contre 77,3%), selon le dernier palmarès des écoles de l'Institut économique de Montréal.

«Ici, les petits sont avec les petits, les grands avec les grands», dit le directeur pour expliquer le succès de l'école. Les élèves sont répartis dans deux pavillons, comme s'il s'agissait de deux écoles distinctes. Et l'encadrement est serré, avec sorties le midi interdites aux plus jeunes et liste des devoirs et examens accessible aux parents sur l'internet.

Tous les groupes ont un professeur titulaire, qui suit ses élèves et rencontre leurs parents. «Quand je suis arrivé ici, je venais d'une grosse polyvalente, alors je me disais: ça ne marchera pas, se souvient M. Duclos. Mais ça marche! Les gens y croient. Ce qui nous rend performants, c'est l'équipe. On a vraiment des gens qui s'engagent.»

Le tiers des places pour les élèves en difficulté

Chaque année, 300 jeunes entrent en première secondaire à Saint-Joseph, dans quatre programmes différents. «Vous pourriez me dire: mon Dieu, ça ne va pas avec l'esprit de la réforme, reconnaît M. Duclos. Mais ils sont bien dans leurs groupes homogènes.»

Le tiers des places est réservé aux performants, qui font le programme d'éducation internationale. Le deuxième tiers est pour les élèves du programme régulier. Là où Saint-Joseph se distingue, c'est avec le dernier tiers réservé aux élèves en difficulté. Leur présence est un héritage des soeurs de Saint-Joseph, qui ont fondé l'école en 1953 avec le souci de rendre l'éducation accessible à tous.

Deux programmes sont conçus pour les plus faibles. Un premier qui leur permet de faire leurs deux premières années du secondaire en... trois ans. Et un second qui suit le rythme normal, mais en augmentant le nombre de cours dans les matières de base. Dans les deux cas, les classes sont réduites (20 à 26 élèves) et un titulaire assure une présence accrue auprès des jeunes.

Ça marche: 75% des élèves du programme d'enseignement individualisé (trois ans pour faire la première et la deuxième secondaires), à haut risque de décrocher, intègrent ensuite la troisième secondaire à Saint-Joseph. Seul le quart est renvoyé au public, les lacunes des élèves étant trop grandes.

Saint-Joseph touche 50 000$ du ministère de l'Éducation, cette année, pour accueillir ces jeunes en difficulté. «L'aide au retard scolaire devrait être augmentée pour amener les écoles privées à assumer encore plus leurs responsabilités», estime M. Duclos.

Profs syndiqués et engagés

Cette diversité plaît aux professeurs. «C'est une école où il y a énormément d'engagement, dit Sophie Dubé, présidente du syndicat des enseignants de Saint-Joseph. On n'a pas l'impression d'éduquer à huis clos. Ça sert tout le monde, autant les élèves en difficulté que les élèves plus forts, d'être confronté à des réalités différentes.»

Eh oui: les profs de Saint-Joseph sont syndiqués. «Ils ont des conditions qui s'apparentent à celles du public, mais on a gardé les droits de gestion sur les affectations de tâches», souligne M. Duclos.

La plupart des écoles secondaires fonctionnent avec quatre longues périodes de 75 minutes par jour. À Saint-Joseph, il y a plutôt six périodes de 60 minutes par jour, ce qui permet d'ajouter plus facilement de l'éducation physique, du français ou des maths. «On y va selon les besoins, dit le directeur. Avec les conventions collectives du secteur public, ils ont les poings liés. Il faut rendre ça plus flexible.»

«Je ne dis pas qu'on est les meilleurs, nuance M. Duclos. Mais on sait qu'on offre un service de qualité, qui répond aux besoins des jeunes, parce qu'ils réussissent. Et que leurs parents sont prêts à payer plus de 2000$ pour les faire étudier ici.»