La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, veut faire passer le taux de décrochage scolaire de 31% à 20% d'ici 2020 ou «un peu avant». Et pour y arriver, elle mettra en oeuvre les 10 recommandations du rapport Ménard rendu public le mois dernier.

Pressée de questions par des journalistes hier, Michelle Courchesne a révélé du bout des lèvres la «cible nationale» que contiendra son plan d'action sur le décrochage scolaire, dont le dépôt se fera dans quelques semaines seulement. Elle sortait d'un débat de deux heures sur le sujet à l'Assemblée nationale au cours duquel l'opposition officielle avait tenté en vain d'avoir un avant-goût du plan et de connaître la cible du gouvernement.À l'heure actuelle, 31% des jeunes - 36% des garçons et 25% des filles - n'obtiennent pas un diplôme secondaire général ou professionnel avant l'âge de 20 ans. La situation est à peu près la même depuis des années, même si les libéraux avaient fait de ce dossier une priorité. Le gouvernement Charest entend maintenant fixer une cible pour réduire l'abandon scolaire, une première depuis son arrivée au pouvoir en 2003.

Michelle Courchesne veut reprendre l'objectif proposé par le rapport Ménard. Inquiet de l'ampleur du décrochage scolaire qui «menace l'avenir du Québec», le patron de la Banque de Montréal, Jacques Ménard, a suggéré de faire passer de 69% à 80% d'ici 2020 le taux d'obtention du diplôme secondaire avant l'âge de 20 ans.

Interrogée pour savoir si elle allait faire sien l'objectif de M. Ménard, Mme Courchesne a affirmé que «son 80%, il est bon. Est-ce que c'est d'ici 2020 ou est-ce que c'est un peu avant? C'est ce que je suis en train d'évaluer actuellement. (...) Mais ce ne sera pas plus tard.»

En plus de la «cible nationale» de réduction du décrochage, Michelle Courchesne fixera un objectif distinct pour chaque région. «Il y aura une obligation de résultats», a-t-elle souligné.

Les écoles et les commissions scolaires seront tenues de respecter les objectifs, à défaut de quoi la ministre utilisera son nouveau «pouvoir d'intervention» prévu dans une loi adoptée l'an dernier. Des «mesures correctrices» pourraient être imposées aux institutions qui affichent une piètre performance. Le rapport Ménard propose d'ailleurs des «outils de gestion de la performance» comme ceux prévus dans la nouvelle loi.

«C'est bien beau de mettre des cibles, et c'est important de mettre des cibles, mais il faut les suivre. Je suis en période de consultations privées auprès des intervenants. Je veux m'assurer que si on en met une cible, on va l'atteindre», a déclaré Mme Courchesne.

La ministre se donne encore quelques semaines avant de déposer son plan d'action sur le décrochage scolaire. Michelle Courchesne a décidé de le dévoiler après l'étude des crédits budgétaires de son ministère, ce qui pourrait signifier en mai seulement.

Avec ce plan d'action, le gouvernement procédera à «la mise en oeuvre du rapport Ménard», a indiqué la ministre. Ses 10 recommandations seront appliquées. Michelle Courchesne promet une bonification du programme Agir autrement destiné aux jeunes en milieu défavorisé, comme le recommande le rapport. Ce dernier propose également d'accroître les services offerts aux parents qui ont des enfants âgés de moins de 5 ans et qui habitent en milieu défavorisé. Des projets pilotes devraient cibler ces jeunes enfants afin de permettre une meilleure intégration à l'école primaire. Le rapport recommande la création d'une «instance nationale de concertation en persévérance scolaire». Il presse le gouvernement de «faciliter et encourager la transition vers la formation professionnelle».

Selon Jacques Ménard, le coût de ses 10 recommandations atteint de 35 à 65 millions de dollars pendant trois ans, puis de 140 à 240 millions par an. Québec investira-t-il plus d'argent que les 841 millions actuels dans la lutte contre le décrochage? «J'examine en ce moment comment je peux répondre à chacune des recommandations du rapport avec, bien sûr, les sommes requises pour y arriver», s'est contentée de répondre Michelle Courchesne.

Lors du dépôt du rapport Ménard, la ministre avait indiqué que Québec n'allongerait pas des millions supplémentaires. Hier, elle martelé que le gouvernement a déjà pris des mesures dans le passé pour lutter contre le décrochage scolaire.

Le critique péquiste en matière d'éducation, Pierre Curzi, est sorti déçu du débat sur le décrochage scolaire. «La ministre dit: on va s'occuper de chacun, on va accompagner les élèves et il va y avoir une obligation de résultats. Plus vague et plus flou que ça, vraiment, il y a de quoi en perdre son latin», a-t-il lancé.

Pas de compensation de Québec

Québec n'épongera pas les pertes financières du comité de gestion de la taxe scolaire de l'île deMontréal. La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, veut toutefois rencontrer le comité pour s'assurer que les écoles défavorisées ne soient pas victimes de coupes, une possibilité qui a été évoquée. Selon elle, il n'est «pas du tout» question que l'État compense les pertes du comité, évaluées à environ 30 millions de dollars, notamment dans les papiers commerciaux. Le comité enregistre un déficit de 16 millions cette année, ce qui rend difficile le versement du soutien spécial aux écoles défavorisées environ 14 millions. La CSDM, qui reçoit la majeure partie de ce soutien, a assuré que ses écoles ne seront pas touchées. Elle avait prévu une réserve de 10 millions pour pallier les effets probables de la crise sur le budget du comité de gestion.