L'avenir du Québec est compromis si on ne réussit pas à lutter efficacement contre le décrochage scolaire, croit le président de la Banque de Montréal, Jacques Ménard.

M. Ménard préside un groupe de travail qui rendra public mardi à Montréal un rapport très attendu sur le décrochage scolaire.

Ce sera le point de départ d'un vaste chantier national de lutte à ce fléau, mené autour de 10 interventions ciblées.

Il s'agit d'ailleurs d'une initiative citoyenne et non d'une commande gouvernementale, précise-t-il, pour bien montrer l'intérêt qu'il accorde à cette question.

Le rapport, d'une soixantaine de pages, fera époque, assure-t-il. C'est du moins ce qu'il espère ardemment, vu l'importance de l'enjeu.

Ce document se concentre sur diverses expériences de lutte au décrochage scolaire menées à l'étranger et au Québec, notamment au Saguenay, examine les causes et les conséquences du problème, calcule son coût social et s'attarde à formuler une série de 10 recommandations, présentées comme autant d'«actions» à entreprendre.

Le but consiste à impliquer le plus grand nombre possible d'intervenants dans le projet, en créant une véritable «mobilisation sociale» autour du problème.

«Il n'y a pas un secteur ou une priorité beaucoup plus importante à mes yeux que l'avenir du système d'éducation», dit sans détour M. Ménard, au cours d'une entrevue à La Presse Canadienne, lundi.

Compte tenu du vieillissement de la population et dans une économie de plus en plus axée sur le savoir, le taux de décrochage au Québec apparaît comme une véritable tragédie pour les années à venir, dit-il.

C'est notre niveau de vie collectif qui est en jeu.

«Notre performance en éducation va être le nerf de la guerre et un prédéterminant fondamental à savoir si le Québec va être capable de se démarquer et maintenir son niveau de vie actuel», selon lui.

Les mots-clés: «concertation» entre tous les intervenants et «continuum» dans l'action, de la garderie à la fin de l'école secondaire, sans négliger le délicat passage entre le primaire et le secondaire.

«Il y a 10 initiatives, dix actions que nous proposons, dans lesquelles nous allons nous engager dans les mois et l'année qui va venir», explique-t-il, persuadé qu'il n'aura pas de difficulté à créer un effet boule de neige.

«Le téléphone ne dérougit pas», tellement il y a de gens de divers milieux qui s'offrent à participer à embarquer dans le projet, soutient-il.

Au Québec, le taux de décrochage est en hausse constante. En 2000, 26 pour cent des jeunes du secondaire du réseau public quittaient l'école sans diplôme, et en 2007, c'était le cas pour près de 29 pour cent d'entre eux.

Le rapport a été préparé, bénévolement, par la firme de consultants McKinsey, à la demande du groupe de travail dirigé par M. Ménard.

Ce groupe, constitué de 27 personnes issues de divers milieux, s'est réuni à plusieurs reprises, à la suite d'un grand forum sur le sujet tenu à Beaupré l'automne dernier.

D'ailleurs, une nouvelle initiative du même genre sera à l'ordre du jour cet automne, pour lancer les chantiers d'action.

Au sein du groupe, on trouve des représentants du milieu des affaires, des commissions scolaires, de même que le sous-ministre à l'Education.

Les auteurs du rapport interpellent tous les intervenants susceptibles de réduire le taux de décrochage: gouvernement, gens d'affaires, enseignants, parents, commissions scolaires, travailleurs sociaux, philanthropes et milieux communautaires.

Le décrochage entraîne un coût social très élevé, notent les auteurs du rapport.

«On n'a pas les moyens de se payer de ne rien faire», affirme M. Ménard.

L'automne passé, l'économiste Pierre Fortin, de l'Université du Québec à Montréal (UQAM), évaluait à un demi-million de dollars le coût de chaque décrocheur.

Il arrivait à ce total en calculant les pertes de revenus anticipés, le coût supplémentaire en soins de santé et le manque à gagner en rentrées fiscales pour l'Etat.

Or, il en coûterait bien moins cher de prendre les mesures requises pour lutter contre ce fléau, dit M. Ménard.

Chaque année, au Québec, plus de 18 200 adolescents rejoignent les rangs des décrocheurs.

Les priorités de M. Ménard en matière d'éducation sont les suivantes: bulletin chiffré, accès aux garderies pour tous les enfants, refonte des programmes d'enseignement au primaire, services d'orientation au secondaire, instauration du professeur-titulaire (secondaire un, deux et trois), et d'un tuteur (secondaire quatre et cinq).