Les préposés aux bénéficiaires qui travaillent dans des résidences pour personnes âgées pourront sous peu s'acquitter de tâches qui leur étaient jusqu'à maintenant interdites. Ils pourront insérer des suppositoires, procéder à des touchers rectaux et administrer des médicaments. Cette situation inquiète les préposés, qui estiment ne pas être suffisamment formés pour assumer de telles responsabilités.

Le 14 janvier dernier, un projet de règlement qui modifiait les gestes pouvant être faits par les «non-professionnels» dans les résidences privées pour aînés a été publié dans la Gazette officielle du Québec. Si le projet de règlement va de l'avant, les préposés aux bénéficiaires pourront prodiguer des «soins invasifs d'assistance aux activités de la vie quotidienne» et administrer des médicaments aux aînés.

Avant de réaliser ces tâches, les préposés devront avoir reçu des formations spéciales, offertes par les centres de santé et de services sociaux (CSSS) du Québec.

Depuis 2002, les intervenants qui ne font pas partie d'un ordre professionnel peuvent prodiguer des soins invasifs dans les établissements de ressources familiales et de ressources intermédiaires. Mais on élargit maintenant cette possibilité aux résidences privées pour aînés.

Au cabinet du ministre de la Santé, on explique qu'il s'agit simplement d'un «ajustement législatif».

Mais pour le président de la Fédération des préposés aux bénéficiaires du Québec (FPBQ), Michel Lemelin, cette décision devra être mieux encadrée.

M. Lemelin estime qu'actuellement la formation offerte aux non-professionnels n'est pas suffisante. «On demande aux préposés de réaliser des actes complexes, comme injecter de l'insuline, en leur donnant des formations de 15 minutes! Ce n'est pas correct!» dit-il.

Des aberrations

Preuve que les formations sont insuffisantes, un préposé aux bénéficiaires qui avait reçu une formation sur les suppositoires a commis une erreur insensée dernièrement. «Après avoir donné deux suppositoires à un patient, il ne voyait pas d'effet. Il a envoyé son patient à l'hôpital. Là-bas, on a trouvé les deux suppositoires intacts dans le corps du patient. Le préposé ne savait pas qu'il fallait retirer l'emballage!» raconte M. Lemelin.

Pour éviter de telles aberrations, M. Lemelin croit que la formation devrait être uniformisée. «Les CSSS sont incapables de nous offrir des formations complètes, dit-il. Ils n'ont pas le personnel suffisant pour prendre le temps de nous former.»

M. Lemelin ajoute que les préposés aux bénéficiaires devraient être mieux protégés. «On nous demande de prendre plus de risques, sans nous donner la formation et la protection qui vont avec», ajoute M. Lemelin.

Un ordre professionnel

Pour la FPBQ, la meilleure solution pour encadrer correctement le travail des préposés aux bénéficiaires serait de créer un ordre professionnel. «Ça fait trois ans qu'on le demande, indique M. Lemelin. Il nous faut un encadrement et un ordre permettrait d'en avoir un.»

La FPBQ n'est pas contre l'idée de confier plus de tâches aux préposés. «Surtout que ce sont des gestes qui sont déjà faits, mais sans encadrement», précise M. Lemelin.

Dans une enquête menée l'an dernier, la FPBQ révélait que des préposés aux bénéficiaires prodiguaient déjà des soins invasifs dans certaines résidences pour aînés. «On avait été surpris de voir que quelques-uns de nos membres administraient de la morphine! On n'a pas le droit de faire ça. Mais dans les résidences, il manque tellement de personnel qu'on demande déjà aux préposés de faire des tâches complexes», dit-il.

Pour M. Lemelin, vouloir confier plus de responsabilités aux préposés en contexte de pénurie est compréhensible. «Mais il faut créer un ordre professionnel qui surveillera la profession», dit-il.

L'Office des professions du Québec, l'organisme qui chapeaute la création d'ordres professionnels, n'a pas répondu aux questions de La Presse, hier.