Appelons-la Lili. Lili se bat dans l'autobus scolaire. Tous les jours. Et quand elle ne se bat pas, elle ouvre grand sa fenêtre, sort la tête, le cou, le torse au grand complet, et crie gaiement des obscénités aux passants.

«Grosse bite!» «Montre-moi ton cul!»

Le chauffeur, tout en gardant un oeil sur la route, demande à Lili de se rasseoir. Une fois, deux fois, plein de fois. Il finit par se plaindre à son patron, qui appelle la commission scolaire. Celle-ci communique ensuite avec la direction de l'école, qui écrit finalement aux parents de Lili.

«Lili? Ma Lili? Impossible!»

«Quand t'es parent, c'est jamais la faute de ton enfant», constate François Paquette, premier vice-président de la Fédération des comités de parents du Québec.

«Aujourd'hui, il y a une nouvelle dynamique chez certains parents. Ils mettent en doute ce que dit la commission scolaire et pensent que leur enfant a toujours un comportement exemplaire», commente Johanne Morissette, porte-parole de la commission scolaire de la Vallée-des-Tisserands.

D'où l'intérêt de la caméra. De l'avis de plusieurs transporteurs, cela réduit de 80% les plaintes des chauffeurs. «On remarque une grande différence dans la discipline grâce aux caméras», indique Yves Richer, secrétaire du secteur du transport scolaire à la CSN.

Car il n'y a pas que des Lili. Il y a aussi des jeunes qui refusent de rester assis, d'autres qui piquent la tuque du voisin, qui déchirent les banquettes aux ciseaux, bref, qui chahutent.

Plus indisciplinés, de nos jours, les enfants? Certains croient que oui. «Les jeunes ont vraiment changé. On se plaint maintenant d'un enfant de maternelle pour langage grossier ou parce qu'il n'écoute pas! poursuit Yves Richer, également chauffeur depuis 10 ans. Si je commençais aujourd'hui, je me demande si je durerais longtemps. C'est beaucoup plus dur.»

Chose certaine, les jeunes contestent davantage l'autorité. «Aujourd'hui, un regard n'a plus la même importance, explique Martin Gaudreault, président du transporteur Groupe Gaudreault. Les jeunes savent qu'un chauffeur ne peut pas prendre un enfant par le bras pour l'asseoir en avant. Aussitôt qu'on touche quelqu'un, on se fait accuser de harcèlement! Cela arrive une fois aux cinq ans.» Le règlement de la commission scolaire English Montreal conseille par exemple aux chauffeurs, dans son code de conduite, «de ne pas toucher un enfant à moins de situation d'urgence».

Il faut dire que la communication entre le parent et le chauffeur est désormais quasi inexistante. «Avant, le parent attendait sur le bord du chemin. Mais aujourd'hui, les enfants sont laissés à eux-mêmes», poursuit Martin Gaudreault.

Jean Bernatchez, professeur d'administration et de politique scolaire à l'Université du Québec à Rimouski, voit là un exemple de plus de la «rupture du dialogue»: «Auparavant, l'école était très respectée des parents, dit-il. Ils ne se sentaient pas autorisés à tout remettre en question.»

Quant à l'usage des caméras, il y voit une forme de «déshumanisation de notre vivre-ensemble»: «Être observé à tous les coins de rue, cela rappelle étrangement les pays de l'Est avant la chute du mur...»

Avec la collaboration de Marie Allard

UTILISATION DES CAMÉRAS VIDÉO DANS LES AUTOBUS SCOLAIRES

EN UTILISENT AU BESOIN

(de moins d'une fois par an à 80 fois par an)

18 commissions scolaires et quatre transporteurs

Commission scolaire des Affluents (Repentigny)

Commission scolaire Coeur-des-Vallées (Gatineau)

Commission scolaire des Grandes-Seigneuries (La Prairie)

Commission scolaire English Montreal

Commission scolaire de Kamouraska-Rivière-du-Loup

Commission scolaire de Laval

Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (Saint-Laurent)

Commission scolaire Marie-Victorin (Longueuil)

Commission scolaire des Patriotes (Saint-Bruno-de-Montarville)

Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île (est de Montréal)

Commission scolaire des Premières-Seigneuries (Québec, est en train d'en acheter)

Commission scolaire Région-de-Sherbrooke

Commission scolaire Rivière-du-Nord (Saint-Jérôme)

Commission scolaire des Samares (Saint-Félix-de-Valois)

Commission scolaire Seigneurie-des-MilleÎles (Saint-Eustache)

Commission scolaire Sir-Wilfrid-Laurier (Rosemère)

Commission scolaire des Trois-Lacs (Vaudreuil-Dorion)

Commission scolaire Vallée-des-Tisserands (Beauharnois)

Autobus Laval (Beauport)

Autobus Longueuil (Longueuil)

Autobus Terremont (Mascouche)

Groupe Gaudreault (Repentigny)

N'EN UTILISENT PAS

Commission scolaire de Montréal

Commission scolaire du Lac-Témiscamingue (Ville-Marie)

Source: appels téléphoniques de La Presse à 20 commissions scolaires et quatre transporteurs