Même avec un diplôme en poche, les Inuits doivent souvent se taper deux années de rattrapage scolaire avant d'être admis dans des collèges ou universités mont-réalaises. Résultat: près de trois jeunes sur quatre (63%) deviennent décrocheurs scolaires. «Il y a donc urgence de mettre sur pied un véritable programme scolaire en Arctique», a soutenu la présidente de l'organisation fédérale des Inuits du Canada, Mary Simon, lors d'un entretien avec La Presse.

L'ambassadrice canadienne de la région circumpolaire a ouvert le premier colloque international Arctic Change, hier, au Palais des congrès de Québec. Elle n'a pas manqué de dire au millier d'experts et chercheurs réunis que les autochtones du Grand Nord sont fatigués de se sentir comme des «rejets» et qu'ils veulent eux aussi pouvoir devenir des scientifiques ou des médecins, dans le respect de leur moeurs et coutumes.

 

«Présentement, dans plusieurs communautés, l'école est dispensée dans la langue inuttituk jusqu'en troisième année, mais tout le reste de la formation se passe en anglais, déplore Mme Simon. Nous sommes donc en train d'essayer de conclure une entente avec le fédéral et les provinces afin d'avoir un curriculum d'enseignement qui s'harmonise avec les institutions du Sud.»

Et contrairement à ce que le reste du monde peut bien penser, a-t-elle ajouté, les Inuits ne sont pas contre l'idée d'élargir la recherche ou d'ériger un centre de recherche sur les changements climatiques en Arctique, tel que projeté par certains pays «Les Inuits voudraient toutefois pouvoir y travailler. Pouvoir partager leurs connaissances qui n'apparaissent pas nécessairement dans les encyclopédies de recherche, mais qui sont tout autant valables», dit-elle.

En matière de recherche, Louis Fortier, directeur scientifique d'ArcticNet, hôte du colloque, a pour sa part souhaité que le financement ne tombe pas complètement à plat avec la fin de l'Année polaire internationale. À ce chapitre, il a indiqué à La Presse qu'il est important de travailler en partenariat avec les pays désireux d'exploiter les ressources naturelles du toit du monde. «Ils devront de toute façon procéder en respectant l'environnement, a-t-il dit. Ils auront besoin de l'expertise des chercheurs.»

L'organisation ArcticNet, qui oeuvre avec plusieurs partenaires, estime qu'elle a besoin de 30 millions de dollars, donc au moins 6,5 millions bruts par année, pour poursuivre ses travaux sur les changements climatiques. Une somme de 150 millions a été injectée par le fédéral depuis deux ans dans la recherche polaire. Mais récemment, ArcticNet a envoyé des demandes qui sont restées lettre morte au premier ministre Stephen Harper.

M. Fortier fonde donc beaucoup d'espoir dans l'élection de Barack Obama, nouveau président des États-Unis, afin que les gouvernements occidentaux comprennent que les changements climatiques peuvent être rentables financièrement.

«Obama a vite compris, lui, estime M. Fortier. C'est dommage, mais avec le protocole de Kyoto, nous nous sommes alignés sur les États-Unis de George Bush. Le Canada a joué le rôle du bon gars. C'est terrible. Il faut changer ça avant le renouvellement du protocole de Kyoto, en 2012.»