À neuf jours du Forum sur les redevances minières, l'industrie ne sait toujours pas sur quel pied danser.

Réunies à Toronto au congrès de l'Association des prospecteurs et entrepreneurs miniers du Canada, les entreprises disent attendre encore avec impatience le document de consultation, qui devait avoir été rendu public le 1er mars. Elles ignorent aussi l'horaire et la liste des participants.

«C'est absolument incroyable, lance André Lavoie, directeur des communications de l'Association minière du Québec. Comment peut-on se préparer si nous n'avons pas les propositions ? C'est majeur comme réflexion et comme occasion de discuter. On trouvait que le délai était court avec la date du 1er mars, et à 10 jours de l'événement on n'a toujours rien.»

Le document de consultation sera dévoilé sur internet «dans les prochains jours», indique-t-on au bureau de la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. Le mois dernier, le ministre des Finances s'était engagé à le dévoiler le 1er mars.

« Le ministère des Finances, c'est un peu le ministère des ministères. Ce n'est pas le département de la chasse et pêche. Il y a des conséquences sérieuses quand sa parole n'est pas respectée», lance le critique libéral en matière d'Énergie, Pierre Paradis. Il ne sait pas encore s'il sera invité au Forum.

L'Association de l'exploration minière du Québec présentera au Forum les impacts de divers scénarios de redevances sur deux cas de projets, à partir de données financières réelles partagées par deux compagnies. «On veut montrer l'impact irrémédiable que cela pourrait avoir sur certains projets», dit son président, Philippe Cloutier. Ses membres disent déjà manquer de financement.

Selon nos informations, quelque 300 participants seront invités au Forum. Parmi eux, des syndicats et 50 minières, qui n'y seraient représentées que par une seule personne. Le vendredi matin, on fera un exposé des différents régimes miniers dans le monde et des propositions du gouvernement. Une table ronde serait prévue vendredi après-midi. Le lendemain matin se déroulera une rencontre plus technique avec les experts des différentes parties prenantes.

L'industrie prévoir une rencontre stratégique privée deux jourd avant le Forum.

L'attachée de presse de M. Marceau, Mélanie Malenfant, n'était pas en mesure de confirmer nos informations. Elle explique que le ministère met présentement la dernière main à l'organisation du Forum, dont l'horaire sera annoncé au cours des prochains jours. Le forum se déroulera à Montréal, sous la coprésidence des chercheurs Pierre Lasserre de l'UQAM et Jacques Fortin de HEC Montréal.

Dévoiler les redevances

La ministre Ouellet a récemment augmenté la pression sur les minières en leur demandant par écritde dévoiler d'ici le Forum les redevances qu'elles ont versées à l'État l'année dernière. Ces données existent au ministère du Revenu, mais elles demeurent confidentielles. Les sociétés minières doivent consentir à les dévoiler.

Mme Ouellet prévient que dans son projet de loi sur les mines qui sera bientôt déposé, elle forcera les minières à dévoiler ces chiffres, comme c'est notamment déjà le cas aux Etats-Unis. Les libéraux sont en faveur. Ils ne l'avaient toutefois pas proposé dans leurs deux projets de lois lorsqu'ils étaient au pouvoir.

Mme Ouellet attend encore les réponses de certaines minières en prévision du Forum. ArcelorMittal dévoile déjà ses redevances depuis au moins un an. De 2010 à 2012, elle a payé 477 millions de dollars au Québec. «On croyait que pour avoir un débat éclairé sur l'exploitation des ressources non renouvelables et la question du juste retour pour les Québécois, il fallait faire connaître ces données», dit son directeur des communications au Canada, Eric Tétrault.

Agnico-Eagle compte dévoiler les données le 15 mars. «Ça va nous faire plaisir», a indiqué son porte-parole Dale Coffin. La société dévoilait déjà le montant consolidé des redevances qu'elle versait pour ses trois mines québécoises. Elle le fera maintenant mine par mine.

D'autres hésitent encore. «Nous étions un peu surpris de la demande de la ministre, dit le vice-président aux finances d'Osisko, Bryan Coates. C'est un peu difficile quand la loi prévoit que ces données sont privées. Nous n'avons pas encore pris notre décision encore.»

«Ce qui nous préoccupe dans cette approche, c'est le manque de mise en contexte de cette information partielle et fragmentée, qui ne tiendrait pas compte de l'enveloppe fiscale globale et de l'ensemble des contributions économiques des entreprises minières. Un chiffre sur les redevances, pris en isolation et présenté entreprise par entreprise ou mine par mine, ne servirait pas à alimenter un débat sain», renchérit Dominique Dionne, vice-présidente aux affaires corporatives chez Xstrata Nickel.

Le ministre Marceau prévoit que le nouveau régime de redevances sera annoncé au «début du printemps».

La Presse révélait lundi que le gouvernement péquiste voudrait exiger une redevance plancher sur la valeur brute. En campagne électorale, elle proposait un taux de 5%. Les libéraux demandaient 16% de profits, et non de la valeur brute. Québec songe aussi à abandonner l'idée de moduler le taux de redevance en fonction du minerai et d'imposer le «surprofit» - un rendement dépassant 8%.

«Imposer le surprofit, ce n'était pas une idée sérieuse, croit Pierre Paradis. N'importe quel bon comptable les aurait fait disparaître.» Le libéral croit que «la chicane est prise entre Mme Ouellet et M. Marceau. Il rappelle que dans l'opposition, Mme Ouellet se battait pour que les redevances soient incluses dans la loi sur les mines. Ils font maintenant ce qu'ils reprochaient aux libéraux. «Mme Ouellet est trop dogmatique pour s'occuper de ce dossier», juge M. Paradis.