Pour près de 20 000 jeunes québécois, la crise ne sera pas qu'un phénomène étudié au cégep dans le cours Initiation à l'économie globale.

Les statistiques le démontrent et les responsables sur le terrain le constatent. Cet été, les emplois se font plus rares et les entreprises sont plus réticentes à remplacer leurs employés en vacances.

«On voit arriver des jeunes qui, bien souvent, avaient un emploi les années précédentes et qui se font refuser cette année, dit Francis Côté, directeur du Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec. On le sent, il y a plus de jeunes à la recherche d'un emploi. On vit des difficultés de recrutement des entreprises: elles font des compressions, c'est évident.»

Le 6 juin dernier, Statistique Canada, dans son bulletin mensuel sur la population active, constate de même que le début de l'été est difficile pour les jeunes de 15 à 24 ans. Au Québec, ils étaient 21% en chômage en mai dernier, comparativement à 14,6% en mai 2008. Il y a donc quelque 20 000 étudiants de plus en chômage cette année, pour un total de 63 000.

À la grandeur du Canada, 59 000 étudiants de plus étaient incapables de se trouver un emploi en mai dernier, pour un taux de chômage de 18,3%, alors qu'il était de 15,4% en mai 2008. Ces indications sont surtout valables pour les étudiants de 20 à 24 ans, car les plus jeunes n'avaient pas terminé leurs cours au moment de l'enquête de Statistique Canada.

La situation, précise-t-on au Réseau des carrefours jeunesse-emploi, varie énormément d'une région à l'autre. Quelque 59 000 jeunes, pas nécessairement des étudiants, fréquentent annuellement un des 110 carrefours jeunesse-emploi au Québec.

«Paradoxalement, quand la clientèle augmente chez nous, c'est signe qu'il y a un problème, note avec humour M. Côté. À Sherbrooke, on a ainsi noté une hausse de la clientèle de 25%.»

Gros employeurs à la rescousse

À Montréal, par contre, le manque de travail est surtout perceptible dans un domaine: la restauration. «C'est très touché et c'est un domaine que les étudiants recherchent beaucoup», précise Marie-Lou Bariteau, agente à l'accueil au carrefour jeunesse-emploi centre-ville.

Globalement, «il y a quand même beaucoup d'offres cet été», ajoute Mme Bariteau, principalement grâce aux gros employeurs - La Ronde, la Ville de Montréal, les festivals - qui n'ont pas diminué leurs embauches.

À Placement étudiant, on note également une baisse des offres d'emploi par rapport à l'an dernier, mais avec une nuance: «En 2008, on parlait d'une année hors de la normale, car les employeurs manquaient de monde, explique Catherine Bourque-Barrette, directrice. Cette année, on revient pratiquement au niveau de 2007.»

Placement étudiant offre notamment quelque 3000 emplois dans la fonction publique québécoise ainsi que des centaines d'emplois dans des municipalités. Depuis le 1er octobre dernier, on a également proposé 25 244 emplois dans le secteur privé, «autant dans le commerce de détail que dans la restauration ou dans des emplois qui demandent plus de compétences», dit Mme Bourque-Barrette.

Au Réseau des carrefours jeunesse-emploi, on estime que les trois quarts des emplois proposés aux jeunes sont dans le domaine des services - vente, restauration, entretien, tourisme... «Des jobs qui ne demandent peut-être pas nécessairement beaucoup de savoir-faire, mais du savoir-être», résume Francis Côté.

Le travail d'été chez les étudiants québécois

Proportion des étudiants québécois qui travaillaient à la mi-mai 2009

Temps plein / Temps partiel / Cherchent du travail mais n'en trouvent pas

15-16 ans: 0,5% / 24,9% / 10,3%

17-19 ans: 8,1% / 41,6% / 12,0%

20-24 ans: 22,0% / 34,0% / 12,6%

Source : Statistique Canada

Le travail d'été au Canada

Proportion des étudiants de 15 à 24 ans qui travaillent à temps plein en juillet

Québec / Ontario / Canada

1977: 32,4% / 38,7% / 35,9%

1987: 39,1% / 46,1% / 40,4%

1997: 25,2% / 23,2% / 25,1%

2002: 34,7% / 28,8% / 30,2%

2007: 34,8% / 28,6% / 31,5%

2008: 35,1% / 25,6% / 30,5%

Source : Statistique Canada

Plus de blessures chez les adolescents

Les jeunes adolescents sont particulièrement susceptibles de se blesser au travail. Des épidémiologistes de l'Université de la Caroline-du-Sud se sont penchés sur les cas d'enfants de 10 à 14 ans, dont le travail d'été est souvent limité à de petits contrats comme la tonte de gazon ou la livraison du journal. Près d'un adolescent sur 15 a dit s'être blessé suffisamment pour que ses activités soient compromises pendant plus de trois jours. Ce taux anormalement élevé rend nécessaire la réévaluation de l'interdiction de travailler avant 15 ou 16 ans généralement en vigueur en Amérique du Nord, avancent les auteurs de l'étude, publiée dans la revue Occupational and Environmental Medicine: cette interdiction crée une zone grise qui échappe aux règlements de santé et de sécurité du travail. Mathieu Perreault

Impact sur les résultats scolaires

Quand les parents ont le choix, devraient-ils encourager leurs adolescents à travailler durant l'été ou leur permettre de se reposer en subventionnant leurs activités? Les rares études sur le sujet donnent des résultats contradictoires. Une étude récente de l'Université d'État de l'Iowa a conclu que concentrer le temps de travail pendant l'été permet aux adolescents d'éviter les effets négatifs du travail à temps partiel pendant l'année scolaire - essentiellement l'absentéisme en classe et la faible participation aux activités parascolaires éducatives ou sportives - mais ne confère pas d'avantage par rapport aux élèves qui ne travaillent pas. Mais une petite étude de l'Université de Louisville avance que ceux qui travaillent durant l'été ont une meilleure estime de soi et moins de conflits familiaux que ceux qui ne travaillent pas. Mathieu Perreault