«Je vais rebondir!» De son domaine dans les Laurentides, Lise Thibault, l'ancienne représentante de la reine à Québec, soutient ne pas s'inquiéter outre mesure de tout le bruit qui entoure l'enquête menée par la Sûreté du Québec sur ses dépenses de fonction.

Le Vérificateur général, dans son rapport remis il y a plus d'un an, a soutenu que Mme Thibault devrait rembourser quelque 700 000$ de fonds dépensés sans justifications pendant les 10 ans de son règne.

 

Selon les informations obtenues par La Presse, le procureur chargé du dossier auprès des enquêteurs de la Sûreté du Québec s'est tout récemment désisté, ce qui laisse pour l'instant en suspens la démarche de la police.

Avant de conclure son enquête et de décider si elle remet le dossier à un procureur pour porter des accusations, la SQ n'a plus que deux personnes à interroger: Mme Thibault et son ancien aide de camp, Guy Hamelin.

Dans un document identifié «secret» du ministère du Patrimoine canadien, obtenu par la Loi sur l'accès à l'information, Ottawa précise «qu'aucune mesure et aucune discussion ne peut être amorcée avec l'ancienne lieutenante-gouverneure du Québec au sujet du remboursement éventuel de certains montants tant que l'enquête de la police ne sera pas terminée».

Le document révèle aussi l'intention d'Ottawa de transférer directement au Québec les fonds destinés au fonctionnement du bureau du lieutenant-gouverneur. Jusqu'alors, le représentant de la Couronne à Québec faisait payer une partie de ses frais par Québec, l'autre par Ottawa. Le document fédéral indique aussi que le Cahier d'information aux lieutenants-gouverneurs, le guide remis à tous ceux qui occupent cette fonction au pays, doit être mis à jour pour tenir compte des abus constatés à Québec. Conséquemment à cette mise à jour, il faudra informer les gens qui sont déjà en poste, poursuit le document de Patrimoine Canada.

Une période de deuil

Dans un entretien accordé à La Presse, Mme Thibault a rappelé hier qu'elle avait mandaté des avocats pour la représenter dans ce dossier. «Je serai très heureuse de rencontrer les enquêteurs je ne les ai pas vus encore. Je pourrai faire la lumière», a-t-elle soutenu. Dans ce poste, «j'ai donné le meilleur de moi-même», a-t-elle ajouté.

Au début de juin 2008, c'était le premier anniversaire de la nomination de son successeur, Pierre Duchesne. «Ça a été une période de grand deuil. Par la suite, je suis entrée dans mon demi-deuil. Je fais le plus grand voyage de ma vie, à l'intérieur de moi-même. J'ai pris soin de mon jardin, j'ai fait 60 longueurs de piscine par jour. Je me suis oxygénée et je me prépare à rebondir!» a soutenu hier Mme Thibault.

Lundi, la députée péquiste Agnès Maltais s'est attiré les foudres de ses collègues libéraux et adéquistes en soutenant que Mme Thibault devrait venir tout de suite s'expliquer devant la commission parlementaire de l'administration publique.

Pour l'adéquiste Gilles Taillon et le libéral Vincent Auclair, il serait irresponsable de faire des gestes susceptibles de nuire à la démarche de la police dans ce dossier. Chez les fonctionnaires du parlement, on avoue ne pas savoir sur quoi se base Mme Maltais quand elle soutient que la commission parlementaire a tous les pouvoirs nécessaires pour forcer la comparution de Mme Thibault à l'Assemblée nationale. S'il fallait forcer Mme Thibault à venir en commission, il se poserait un problème institutionnel et constitutionnel évident, résume-t-on.

Tout de suite après le rapport accablant du Vérificateur, à l'été 2007, Mme Thibault avait soutenu qu'elle n'avait rien fait de mal et qu'elle n'hésiterait pas à faire à nouveau les mêmes gestes. «Si c'était à recommencer, je ferais exactement ce que j'ai fait pendant 10 ans et demi. Je vais vous dire que moi, je vais aller au bout de ça pour que la vérité éclate, parce que je ne peux pas abandonner ce que j'ai donné», avait-elle soutenu.

Au passage hier, Mme Thibault a reconnu être proche de l'Opus Dei - le site internet de l'organisme retient plusieurs de ses participations, par exemple à l'inauguration d'un édifice de l'Opus Dei à Coteau-du-Lac, près de Montréal.

Il s'agit d'un regroupement tout à fait légitime, «le fondateur de l'Opus Dei (Josemaria Escriva) a été canonisé!» a-t-elle relevé. «Si les gens trouvent un moyen de s'élever, c'est tant mieux.» Elle n'est pas «membre» de l'Opus Dei, mais reconnaît être sympathisante de cet ordre qui reconnaît la mortification physique comme expression de la foi. «J'ai été lieutenant-gouverneur pour tous les Québécois, et pour toutes les confessions» a-t-elle insisté.