Dans le cadre d'une réforme du droit de la famille, le gouvernement Legault déposera un projet de loi sur la parentalité et un autre sur la filiation, mais ne s'engage pas à les faire adopter d'ici à la fin du mandat.

La ministre de la Justice, Sonia LeBel, a dit vendredi ne pas vouloir s'attacher à un échéancier, mais elle assure vouloir mener à terme cette réforme qui apportera des « bouleversements ».

Des groupes ont déjà exprimé leur déception et auraient préféré une démarche plus rapide.

Au cours d'une conférence de presse au palais de justice de Trois-Rivières, Mme LeBel a annoncé une série de consultations régionales sur le droit de la famille à compter du 29 avril, jusqu'en juin.

Réformé pour la dernière fois en 1985, « le droit de la famille n'est plus adapté à l'univers familial québécois », a-t-elle déclaré.

« Je suis consciente que réformer le droit de la famille apportera des bouleversements dans plusieurs aspects de la vie conjugale et familiale, c'est un sujet qui nous touche tous et qui est très émotif. »

De là l'importance, selon elle, de consulter les citoyens. La réflexion se base notamment sur le rapport très étoffé de Me Alain Roy, qui a été publié en 2015.

La réforme vise à protéger « les intérêts et le droit des enfants », a expliqué la ministre. Une fois les consultations sur la parentalité terminées, une autre ronde de consultations, sur la filiation, sera entreprise.

À l'issue du processus, deux projets de loi seront déposés, mais Mme LeBel n'a pas voulu promettre qu'ils seront adoptés d'ici à quatre ans.

« Je me suis bien gardée de m'attacher à un échéancier. On va voir ce qui va en découler (des consultations). J'entends prendre le temps de bien faire les choses. J'aimerais pouvoir terminer cette réforme avant le premier mandat, mais je n'en fais pas un engagement ni une promesse. »

Des propositions à discuter

Parmi les propositions qui seront à l'étude : les conjoints pourraient se voir imposer certaines obligations l'un envers l'autre, qu'ils soient mariés ou en union de fait, peut-on lire dans un document de présentation.

« Les obligations alimentaires découlent du mariage, a donné en exemple la ministre. Un couple qui n'est pas marié n'a pas les mêmes obligations l'un envers l'autre. Est-ce qu'on veut que toutes les obligations légales découlent simplement du mariage ou du fait de la naissance d'un enfant ? »

Selon le document, les parents pourraient être soumis à trois mesures :

-une contribution de la part de chacun d'eux aux charges de la famille, proportionnelle à leurs facultés respectives ;

-la protection de la résidence familiale où vit la famille que forment les parents et leur enfant commun ;

-l'établissement d'un nouveau mécanisme de prestation compensatoire parentale visant à permettre la compensation des désavantages économiques disproportionnés subis par l'un des parents en raison de la prise en charge de l'enfant commun.

Autre question : est-ce que les conjoints sans enfants devraient être soumis aux mêmes obligations l'un envers l'autre ? a évoqué Mme LeBel.

Ou encore, l'enfant devrait-il avoir le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'ex-conjoint de son parent, ce que le droit actuel ne reconnaît pas.

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Ronde de consultations

Les séances de consultation auront lieu à :

- Trois-Rivières le 29 avril

- Gatineau le 3 mai

- Montréal le 6 mai

- Laval le 7 mai

- Rimouski le 10 mai

- Québec le 13 mai

- Rouyn-Noranda le 17 mai

- Sept-Îles le 24 mai

- Saguenay le 27 mai

- Gaspé le 31 mai

- Sherbrooke le 3 juin

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Les Autochtones seront également invités à se prononcer sur les enjeux dans un processus d'échange complémentaire.

Quant aux consultations sur la filiation, elles aborderont notamment l'enjeu de la gestation pour autrui, ou le lien de filiation entre le parent adopté et le parent biologique, a évoqué la ministre.

Des groupes déçus

La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec aurait préféré que la ministre dépose rapidement un projet de loi, puisque des consultations ont déjà été menées par la Chambre des notaires.

La Fédération veut notamment que les conjoints de fait soient inclus dans le Code civil avec les mêmes obligations que les personnes mariées, a fait savoir sa directrice, Sylvie Lévesque, en entrevue avec La Presse canadienne.

Elle redoute aussi que le fardeau de la preuve retombe sur la conjointe quand il s'agira de déterminer la prestation compensatoire parentale.

Par ailleurs, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale aurait souhaité que les propositions du gouvernement aillent plus loin.

Selon sa porte-parole Louise Riendeau, il faut des critères clairs dans le Code civil pour déterminer qui aura la garde de l'enfant en cas de séparation, et qu'on mette en jeu la question de la présence de violence conjugale dans le couple.