La plus jeune élue de l'Assemblée nationale, Catherine Fournier, quitte le Parti québécois (PQ) et siégera désormais à titre de députée indépendante.

Réélue de justesse en octobre dernier dans la circonscription de Marie-Victorin, sur la Rive-Sud de Montréal, Mme Fournier croit qu'il «ne sert à rien de vouloir désespérément sauver le tronc ou les branches d'un arbre en train de dépérir».  

«L'important, c'est d'en sauver les racines pour repartir sur quelque chose de nouveau», a-t-elle affirmé lundi lors d'un point de presse dans son comté.

«À force de perdre, le Parti québécois est devenu perdant. Du coup, il a aussi perdu beaucoup de sa pertinence», a-t-elle ajouté, souhaitant l'émergence d'une coalition qui transcenderait les lignes partisanes actuelles.  

«Ma démarche se voulant constructive et tournée vers l'avenir, je ne souhaite pas m'étendre sur les nombreuses raisons de ces défaites répétées. Je tiens néanmoins à ajouter qu'il faut cesser de blâmer les autres pour nos erreurs et plutôt assumer nos responsabilités.»

Un choix qui fait mal 

La décision prise par Catherine Fournier passe évidemment très mal au sein de son ancienne formation politique. Dans les cercles péquistes, on l'accuse lundi de diviser encore plus le mouvement souverainiste plutôt que de le ramener vers une victoire électorale.  

«Aujourd'hui, Catherine Fournier s'est donné une indépendance, mais elle n'a pas fait avancer l'indépendance», a affirmé à La Presse Pascal Bérubé, chef parlementaire par intérim du PQ.  

Le départ de la députée de Marie-Victorin survient d'ailleurs la même semaine où le parti prévoyait annoncer que la prochaine course à la direction se tiendra en 2020. De plus, le PQ souhaite tenir un congrès extraordinaire avant la prochaine élection afin de moderniser son action politique.  

Lors de ce congrès, dont les détails restent à être rendus publics, tout sera sur la table, a-t-on dit à La Presse. Revoir les priorités politiques, les façons de faire ou même changer le nom du parti seront des options étudiées.  

«Pourquoi ne vient-elle pas faire l'exercice à l'intérieur du parti ? [...] Ce qu'elle a fait aujourd'hui est un exercice inutilement très dur», a dit M. Bérubé.  

Une nouvelle coalition ?

Au cours du présent mandat, Mme Fournier travaillera à créer une nouvelle coalition des militants souverainistes - peu importe le parti qu'ils soutiennent. En ce moment, a-t-elle dit lundi, «la dernière chose que le mouvement souverainiste a besoin [...] c'est d'un parti politique souverainiste qui [s'ajouterait] à l'offre actuelle]».  

«Aujourd'hui, les souverainistes se retrouvent en nombre quasi égal au Parti québécois et à la CAQ, un certain nombre est aussi au QS, mais ils sont également nombreux dans le lot des abstentionnistes qui ne voient malheureusement même plus l'intérêt de voter», a affirmé Mme Fournier.

«La dispersion doit cesser. Le réel rassemblement des souverainistes est essentiel à la victoire. (...) Si nous voulons mener à bien notre projet, il faudra que tous les souverainistes embarquent dans le même bateau», a poursuivi la jeune députée, ajoutant que «près de 25 ans après le dernier référendum, il faut simplement admettre que nous avons maintenant besoin d'un mouvement adapté à notre époque pour franchir la dernière étape.»

Frédérique St-Jean, présidente du comité national des jeunes du Parti québécois (CNJPQ), affirme pour sa part que l'heure n'est pas à «lancer la serviette».  

«Catherine Fournier parle de rassemblement des forces souverainistes et de renouvellement du mouvement, objectifs que l'aile jeunesse partage. Pour y arriver, nous croyons toutefois que ça doit passer par des discussions où tout est mis sur la table, où toutes les options sont étudiées. C'est exactement ce que le Parti québécois amorce dans sa démarche de congrès extraordinaire, le deuxième de son histoire», a-t-elle dit lundi.  

Le PQ derrière QS 

Avec le départ de Catherine Fournier, le PQ se retrouve désormais avec neuf députés à l'Assemblée nationale, un de moins que Québec solidaire. Or, la formation politique ne perdra peut-être pas son statut de deuxième groupe de l'opposition.  

En effet, selon l'entente intervenue l'automne dernier, «les partis politiques représentés à l'Assemblée prennent acte des résultats électoraux du 1er octobre 2018 et conviennent, sur la base de ces résultats, de reconnaître, pour la durée de la 42e législature, le Parti québécois comme 2e groupe parlementaire d'opposition et Québec solidaire comme 3e groupe parlementaire d'opposition».  

«Pour la durée de la 42e législature» signifie pour tout le mandat. Il faudrait donc l'appui de tous les partis pour modifier cette entente, et le PQ n'a de toute évidence aucun intérêt à la revoir.

Québec solidaire a déjà commencé à faire pression pour obtenir le statut de 2e groupe d'opposition.  

«Il apparaît de plus en plus clair que Québec solidaire est l'outil de changement nécessaire pour faire l'indépendance du Québec, convaincre les indécis et rassembler les convaincus. Comme en ont convenu les militants d'Option nationale qui se sont joints à nous, nous sommes la force indépendantiste en croissance», a affirmé le parti par voie de communiqué.  

«Avec ce changement dans les groupes parlementaires, Québec solidaire a sollicité une rencontre avec le secrétaire général de l'Assemblée nationale pour statuer sur les modifications à apporter quant à l'utilisation des ressources parlementaires. Il faudra, notamment, assurer du temps en chambre pour cette nouvelle députée indépendante. Nous souhaitons aussi que le Parti québécois conserve son statut de groupe parlementaire reconnu, même si Québec solidaire deviendra la 2e opposition», a-t-on également écrit.  

Cette interprétation est toutefois déjà contestée par le Parti québécois, qui souhaite conserver son statut de deuxième groupe d'opposition.