La Protectrice du citoyen comprend mal le système de l'immigration, a dénoncé le ministre Simon Jolin-Barrette, jeudi, dans une rare charge d'un élu contre un chien de garde indépendant de l'État.

En commission parlementaire mercredi soir, Marie Rinfret s'est dite «extrêmement préoccupée» par le sort que Québec veut réserver aux 18 000 demandes de Certificat de sélection (CSQ) qui sont actuellement en attente de traitement. Le projet de loi 9 les annulerait et forcerait tous les candidats à loger une demande dans le nouveau système, appelé Arrima.

Mme Rinfret a reproché au gouvernement de la Coalition avenir Québec d'appliquer «une solution essentiellement administrative à un problème humain». Elle a suggéré qu'on offre des excuses aux demandeurs dont les dossiers seraient éliminés en vertu de la réforme.

Le gouvernement caquiste n'a aucune intention d'emprunter cette voie, a affirmé M. Jolin-Barrette jeudi. Car selon lui, c'est le précédent gouvernement qui est responsable de la liste d'attente de plusieurs milliers de personnes.

«C'est le Parti libéral qui devrait s'excuser relativement au traitement des dossiers et relativement au fait qu'il a fait beaucoup de rêves brisés», a dit le ministre.

Il a aussi ciblé la Protectrice du citoyen elle-même.

«Elle a fait ses représentations, a dit M. Jolin-Barrette. On a tous en mémoire que la Protectrice du citoyen aussi... qu'elle fait des erreurs dans la compréhension du système d'immigration aussi.»

Le Protecteur du citoyen est une institution publique indépendante chargé de veiller au respect des droits des Québécois dans leurs rapports avec l'État. Cette ombudsman mène des enquêtes sur quelque 19 000 plaintes chaque année. Bien qu'elle n'ait aucun pouvoir de contrainte face à l'État, 98% de ses recommandations sont acceptées, peut-on lire sur son site web.

Le projet de loi 9, défendu par M. Jolin-Barrette, confirme la fin du système du «premier arrivé, premier servi» dans les demandes d'immigration. L'objectif du gouvernement caquiste est d'admettre en priorité des immigrants qui peuvent rapidement s'intégrer au marché du travail. La pièce législative prévoit que les 18 000 demandes d'immigrations présentées sous l'ancien régime seront éliminées afin d'accélérer la mise en oeuvre de la réforme.

La commission parlementaire qui étudie le projet de loi 9 se termine jeudi. Plusieurs intervenants ont prévenu que Québec s'expose à des recours judiciaires s'il envoie toutes les demandes existantes à la corbeille.

La Cour supérieure a d'ailleurs infligé une première défaite au gouvernement lundi, en lui ordonnant de reprendre l'analyse des demandes d'ici à l'adoption de la réforme par l'Assemblée nationale.

«Orgueil mal placé»

Selon la députée du Parti libéral, Dominique Anglade, le gouvernement n'a d'autre choix que de plier.  

«Ils ont perdu une première manche et ce qu'on a entendu aujourd'hui, c'est qu'ils s'exposent sciemment à des recours judiciaires, a-t-elle déploré. Je pense que là, on commence à trouver que c'est de l'orgueil mal placé.»

M. Jolin-Barrette s'est montré ouvert à amender son projet de loi.

Une perche

Plus tôt dans la journée, François Legault a tendu une perche aux candidats à l'immigration qui se trouvent déjà en sol québécois. Il a promis d'étudier leurs dossiers «en priorité» dans le nouveau système afin d'éviter que leurs demandes passent à la trappe.

«Une fois que notre projet de loi va être adopté, on veut se concentrer sur les personnes qui répondent aux besoins du marché du travail, a expliqué M. Legault. Et on s'engage à traiter en priorité les 3700 personnes qui sont au Québec, qui sont déjà en réponse aux besoins du marché du travail.»

Quant aux 14 300 autres demandeurs qui tentent d'obtenir un CSQ, leur dossier sera annulé et ils seront remboursés, a expliqué le premier ministre.