Le premier ministre François Legault a laissé entendre, mercredi, que les Québécois ne jugent pas prioritaire le remboursement des trop-perçus d'Hydro-Québec.

De toute façon, a-t-il fait valoir, ils vont bénéficier de la réduction de la taxe scolaire et de la hausse des crédits d'impôt pour les familles. Ces deux mesures totalisent ensemble 1,5 milliard par année.

De plus, son gouvernement s'assurera que les tarifs d'hydro-électricité n'excéderont pas l'inflation.

«C'est ça que les gens veulent», a-t-il tranché mercredi, lors d'une mêlée de presse où il réagissait à la signature par quelque 24 000 personnes d'une nouvelle pétition exigeant le remboursement de la totalité des trop-perçus d'Hydro-Québec.

«Leurs salaires n'augmentent pas plus que l'inflation, donc les tarifs d'électricité ne doivent pas augmenter plus que l'inflation», a-t-il insisté.

Lorsqu'elle formait le deuxième groupe d'opposition à l'Assemblée nationale, la Coalition avenir Québec (CAQ) a calculé qu'environ 1,5 milliard en trop-perçus avait été détourné depuis 2008, et que cet argent devait être retourné aux Québécois.

L'enjeu était devenu un véritable cheval de bataille pour la CAQ, qui revenait à la charge jour après jour en Chambre pour demander au ministre responsable de rembourser les Québécois.

M. Legault avait ainsi qualifié les trop-perçus d'Hydro-Québec de taxe déguisée et sournoise, tandis que sa porte-parole en matière d'énergie, Chantal Soucy, concluait que «le temps est donc venu de rembourser les Québécois».

Celle-ci avait même déposé une pétition de près de 50 000 noms exigeant un tel remboursement.

Selon Hydro-Québec, la somme de 1,5 milliard représente l'écart entre le rendement autorisé par la Régie de l'énergie et le rendement réel.

Mercredi, M. Legault a rappelé qu'il ne s'était jamais engagé en campagne électorale à rembourser les trop-perçus.

Questionné à savoir s'il comprenait néanmoins la déception des Québécois qui croyaient que la CAQ le ferait, il a invité les médias à mieux faire leur travail et à dire «la vérité».

«Il faudrait que vous leur disiez la vérité, il faudrait que vous leur disiez que nous [...] on a dit qu'on était pour rembourser les 1,5 milliard en réduisant les taxes scolaires, en augmentant les crédits d'impôts pour le deuxième et le troisième enfant.

«Je suis surpris que ce ne soit pas clair pour vous. Je vous invite, s'il le faut demain je vous amènerai le cadre financier», a-t-il déclaré, d'un ton combatif.

La question des trop-perçus d'Hydro-Québec hante M. Legault depuis son arrivée au pouvoir, le Journal de Québec ayant même levé le voile, mercredi, sur le malaise qu'elle suscite au sein de la députation caquiste.

La semaine dernière, le premier ministre est allé jusqu'à vanter les mérites des trop-perçus. «Il faut qu'il reste un incitatif à Hydro-Québec pour faire un gain d'efficacité», a-t-il plaidé.

Il a justifié sa position en se basant sur la formule élaborée par le précédent gouvernement libéral, en vertu de laquelle 50% des trop-perçus sont reversés aux abonnés et 50 % servent à aider la société d'État à améliorer sa productivité.

Les surplus sont redonnés aux Québécois directement ou indirectement, selon lui.

Ainsi, le gouvernement mettra dans ses coffres la moitié des 180 millions de trop encaissés par Hydro-Québec en 2018.

Legault «évalue très mal l'opinion publique», selon le PQ

Le premier ministre ne semble pas saisir la grogne de la population - et la gêne de ses propres députés - dans ce dossier, croit le Parti québécois (PQ).

«Il évalue très très mal l'opinion publique, parce qu'en deux jours, 24 000 noms sur une pétition, c'est quand même exceptionnel, a lancé le député péquiste Sylvain Gaudreault en point de presse, mercredi. C'est la moitié de ce que lui a récolté en deux mois.»

Selon lui, M. Legault «baisse les bras» devant Hydro-Québec, une société d'État qu'il faut «surveiller» car elle est un «état dans un état».

«Il a l'occasion de dire à Hydro-Québec : "T'as juste une chose à faire mon homme, c'est de rembourser les trop-perçus aux consommateurs québécois". C'est juste ça qu'il a à faire. Là il est en train de nous faire la démonstration que ce n'est pas l'État québécois qui va envoyer ses consignes à Hydro-Québec, c'est Hydro-Québec qui va fonctionner par elle-même dans sa propre logique, et ça c'est inacceptable», a poursuivi le député.

Par ailleurs, Sylvain Gaudreault voit d'un mauvais oeil que M. Legault soupçonne les médias de ne pas dire la vérité, ce qui s'approche selon lui des «fake news de M. Trump».

Il a rappelé que l'opération médiatique de la CAQ montée par Chantal Soucy - du grand théâtre, dit-il - ne date pas des années 1980, mais bien de 2018. «Il n'y a pas un mur de Chine entre la veille du déclenchement de la campagne (électorale) et le jour du déclenchement.»

D'après lui, la CAQ a trompé les Québécois en leur faisant croire que l'enjeu des trop-perçus lui était important. «Votez pour moi et on va défendre ça, [...] il y a un côté là-dedans de trompeur», a-t-il déclaré.