Le gouvernement Legault ne projette pas d'imposer une taxe spéciale aux étrangers qui achètent des immeubles au Québec. Mais il se donne le moyen d'évaluer précisément l'ampleur de ces transactions sur le territoire.

Dans la dernière livraison de la Gazette officielle du Québec, où est publié un décret signé par le ministre des Finances, Eric Girard, le responsable du cadastre et le ministre de l'Énergie, Jonatan Julien, le gouvernement annonce son intention d'exiger que le registre foncier où sont consignées les transactions immobilières établisse la citoyenneté des acheteurs ou leur statut de résident permanent. Dans le cas d'une compagnie, le registre devra relever le nom de l'État, de la province ou du territoire où elle a été enregistrée. Dans le cas d'une fiducie, la déclaration sera obligatoire si la moitié des membres sont étrangers. Publié dans la Gazette, le règlement entrera en vigueur en octobre 2020.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a fait des démarches auprès des gouvernements Couillard et Legault pour qu'il soit possible d'évaluer de façon précise le nombre de transactions émanant d'étrangers. Une mesure préventive, explique-t-on à l'hôtel de ville, au cas où on constaterait une surchauffe du marché immobilier liée à ces acheteurs. Dans l'arrondissement de Ville-Marie, au centre-ville en général, on estime que les non-Québécois représentent jusqu'à 10 % des acheteurs.

Au ministère des Finances à Québec, on insiste : aucune demande n'a été portée à l'attention du ministre Eric Girard. Du côté des Affaires municipales, « de manière formelle, la Ville de Montréal ne nous a toujours pas fait la demande pour obtenir ce type de pouvoir » d'expliquer Bénédicte Trottier Lavoie, l'attachée de presse de la ministre Andrée Laforest.

« La question de la taxation des acheteurs étrangers est examinée dans un comité composé de représentants de la Ville de Montréal, de la Société d'habitation du Québec et du Secrétariat à la région métropolitaine », a-t-elle précisé.

« Montréal frôle la surchauffe »

L'automne dernier, la Société canadienne d'hypothèque et de logement observait qu'à « Montréal, le marché de la revente frôle la surchauffe ». Dans un document synthèse du ministère des Finances à Ottawa, on relève les taxes spéciales de 15 et 20 % pour les transactions par des acheteurs étrangers, imposées en Ontario et en Colombie-Britannique, dans le but de normaliser les marchés de Toronto et de Vancouver. En juin 2016, les achats immobiliers des étrangers représentaient 9,9 % des transactions résidentielles à Vancouver. On était descendu à 2,3 % deux ans plus tard.

Dans le Point sur les finances publiques, publié l'automne dernier par Québec, le gouvernement Legault manifestait bien peu d'intérêt pour ces taxes spéciales visant les acheteurs étrangers. En fait, l'expérience de l'Ontario et de la Colombie-Britannique montre que leur efficacité est bien relative, explique-t-on à Québec.

Selon une étude compilée par JLR Solutions Foncières, entre 2006 et 2018, les acheteurs étrangers ont été à l'origine de 0,7 % des transactions immobilières résidentielles au Québec. Sur l'île de Montréal, la proportion a été de 1,7 %, soit environ 400 transactions pour toute cette période.

Au fil des ans, ces transactions ont passablement fluctué à Montréal. On était à 1,7 % en 2006, à 0,9 % en 2010 et à 2,9 % en 2017. En 2017, 94,4 % des transactions immobilières sur l'île de Montréal ont été effectuées par des acheteurs québécois.