Le débat sur le port de signes religieux par les employés de l'État explique le manque d'enthousiasme du leader parlementaire libéral Sébastien Proulx à poursuivre sa carrière politique. L'unanimité récente des députés libéraux contre toute interdiction, en dépit de la proposition Bouchard-Taylor, témoigne de l'ascendant du député André Fortin sur les instances du PLQ.

Dans un reportage de La Presse, la semaine dernière, Sébastien Proulx reconnaissait ne pas être convaincu de terminer le mandat que lui ont confié les électeurs de Jean-Talon, il y a quatre mois. Derrière des portes closes, à la fin de janvier, l'ancien ministre de l'Éducation était pratiquement seul au sein du caucus libéral à pousser pour que son parti adopte la proposition du rapport Bouchard-Taylor pour dénouer le noeud gordien, la question au centre du débat politique québécois depuis désormais 10 ans. Son unique appui : l'ex-ministre de la Santé Gaétan Barrette. Les deux sont aussi favorables à ce qu'on enlève le crucifix de l'Assemblée nationale.

Pour MM. Proulx et Barrette, le PLQ doit prendre acte du verdict de la population lors des élections du 1er octobre et adopter des positions pour se rapprocher de la majorité francophone.

Seul député libéral élu dans une région très majoritairement francophone, M. Proulx a poussé devant ses pairs pour l'interdiction du port de signes religieux aux employés de l'État dotés d'un pouvoir de coercition, comme les juges, les policiers et les gardiens de prison, la proposition d'origine de Bouchard-Taylor. Il n'était pas favorable à l'idée d'élargir cette interdiction aux enseignants, comme le désire la Coalition avenir Québec, encore moins aux directeurs d'école, comme le propose le Parti québécois.

Mais la question a été évacuée sans affrontement lors du caucus du PLQ sur cette question, le 31 janvier. Porte-parole de son parti en la matière, l'ex-ministre Hélène David n'a pas pris position sous prétexte qu'elle animait la discussion. Alors que plusieurs élus s'attendaient à ce qu'on reporte la décision au moment du dépôt du projet de loi par le gouvernement Legault, Pierre Arcand a publiquement tiré un trait et dit que les députés restaient opposés aux interdictions.

Fortin consolide son emprise

Candidat à la succession de Philippe Couillard, André Fortin, élu dans l'Outaouais, était à l'évidence le porte-parole du camp majoritaire, qui soutenait que le PLQ devait continuer à prôner les libertés individuelles sur cette question. Issu du Parti libéral du Canada, il « joue la carte libérale classique », a confié un collègue.

Son adversaire probable, Dominique Anglade, est quant à elle restée plutôt vague sur cet enjeu délicat, « elle veut se donner le temps de réfléchir », a résumé un de ses proches.

L'ex-ministre Christine St-Pierre était clairement en faveur du maintien de la position du parti, tout comme les nombreux députés de l'Ouest-de-l'Île. À Laval, Francine Charbonneau ne s'est pas exprimée. Dans l'est de Montréal, Lise Thériault est restée vague, mais a soutenu qu'elle tenait à ce que le crucifix reste au Salon bleu, à l'Assemblée nationale.

André Fortin peut déjà compter dans les coulisses sur l'appui des anciens supporteurs de Pierre Moreau en 2013 - dont le chef intérimaire Pierre Arcand, désormais tenu à une neutralité officielle -, idem pour Filomena Rotiroti, la présidente du caucus.

C'est dans le bureau d'Arcand que s'est décidé le départ du directeur du PLQ, Sylvain Langis. Ce dernier avait souligné vouloir partir à la fin de son mandat de cinq ans, fin 2018. M. Arcand lui a demandé de rester en poste jusqu'en juin. Un appel de candidatures a été lancé, mais dans les cercles libéraux, il est déjà clair qu'Olivier Parent, ancien chef de cabinet de Pierre Moreau, sera choisi.

Atallah pose ses pions à l'interne

Dans la même mouvance, le président du PLQ, Antoine Atallah, pose ses pions. Son « conseiller spécial » sans poste précis au sein du parti, Jonathan Abecassis, ancien bras droit de Michael Applebaum, est sévèrement critiqué à l'interne. Après une réunion houleuse du conseil de direction du PLQ, le 27 janvier, Atallah a obtenu la majorité sur l'exécutif du PLQ, ce qui lui donne le contrôle des règles de nomination du futur chef.

Mais l'opération ne s'est pas faite sans heurts - à cette réunion, pendant plusieurs heures, le plan d'action de la direction et les militants se sont mesurés sur la nomination de Katherine Martin comme vice-présidente du PLQ. Issue du cabinet de Robert Poëti - un ancien supporteur de Pierre Moreau -, Mme Martin a été élue de justesse, un vote à 11 contre 11 qu'elle a remporté parce que la voix du président, M. Attalah, prévaut.

Comme le clan d'André Fortin, Attalah veut une course à la direction le plus tard possible, en 2021. Dans l'entourage de Dominique Anglade, on souhaite procéder plus rapidement.

Linda Caron a quitté la présidence de la commission politique, un poste pour lequel le fils de Jean Charest, Antoine Charest, a retiré sa candidature - le « comité de gouvernance » du parti a choisi Simon Papineau. La présidente de la commission politique, Émilie Nadeau, est aussi partie - déjà, elle n'avait pas digéré d'avoir été laissée sur le carreau par l'organisateur de la dernière campagne, Hugo Delorme.

photo Yan Doublet, archives le soleil

Le député André Fortin