À peine nommé ministre de l'Environnement, Benoit Charette hérite d'un dossier chaud : sa prédécesseure MarieChantal Chassé a bien malgré elle provoqué la colère des Premières Nations en lançant l'évaluation du premier projet d'exploitation pétrolière du Québec.

Le 2 janvier, en plein congé des Fêtes, le ministère de l'Environnement a annoncé par avis public le début de l'évaluation environnementale du projet Galt, non loin de Gaspé. À terme, ce processus devrait amener le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) à se pencher sur l'initiative de la société Cuda Pétrole et Gaz.

L'annonce a pris de court la communauté micmaque de la Gaspésie. Le Secrétariat Mi'gmawei Mawiomi (SMM), qui regroupe trois conseils de bande, négocie depuis plus d'un an avec le gouvernement pour convenir d'un mécanisme de consultation de ses concitoyens.

En lançant l'évaluation sans avoir conclu une entente, Québec « insulte » les Micmacs, a déploré le directeur des communications du SMM, Donald Jeanotte-Anglehart.

« Je trouve ça décevant parce qu'on avait obtenu un moratoire pendant un certain temps pour nous donner le temps de négocier et maintenant, pendant les Fêtes, paf ! C'est sorti comme un lapin d'un chapeau », a-t-il déploré.

Il a dit comprendre que Québec ait l'obligation d'étudier des projets qui lui sont soumis par des promoteurs. Mais il aurait préféré que ce processus soit mis sur la glace le temps de convenir d'une manière de consulter les autochtones.

« Notre travail est d'obtenir une entente pour assurer qu'au moins, la consultation avec les Micmacs soit faite de façon convenable. »

- Donald Jeanotte-Anglehart

Le SMM et le gouvernement Legault tiendront une nouvelle ronde de pourparlers la semaine prochaine.

« Claque au visage »

Membre du conseil de bande de Listuguj, Gary Metallic est aussi chef héréditaire du Grand Conseil micmac de la Gaspésie. Il milite depuis plusieurs mois contre l'exploration pétrolière en Gaspésie.

« C'est une claque au visage du peuple micmac », a dénoncé M. Metallic. 

« Le gouvernement va de l'avant sans notre consentement éclairé et sans nous avoir informés. Ce n'est pas acceptable. »

- Gary Metallic

Si Québec ne fait pas marche arrière, il compte s'adresser aux tribunaux pour barrer la route au projet.

La Constitution a toujours obligé le gouvernement à consulter les Premières Nations avant d'autoriser un projet industriel dans un territoire qu'elles revendiquent. Mais ce devoir légal a été renforcé par une série de décisions de la Cour suprême depuis 2004.

Au bureau du ministre Charette, on souligne que le ministère de l'Environnement a l'obligation légale d'engager l'évaluation environnementale dès qu'un promoteur lui soumet un avis de projet. C'est donc bien malgré elle que Mme Chassé a lancé le processus avant la fin des pourparlers entre Québec et les Micmacs, a-t-on indiqué.

Au cabinet de Sylvie D'Amours, ministre responsable des Affaires autochtones, on assure que les négociations se poursuivent et qu'on souhaite une entente « le plus rapidement possible » avec les Micmacs.

« D'ici à ce qu'une entente soit convenue, lorsque pertinent, les Micmacs sont consultés sur des autorisations spécifiques et lorsque la procédure d'évaluation environnementale est déclenchée », a indiqué la porte-parole de la ministre, Nadine Gros-Louis.

Une première au Québec

L'entreprise Junex a mené pendant plusieurs années des travaux d'exploration au site de Galt. Les forages ont été suspendus à l'été 2017 après l'occupation du site par des militants, qui étaient appuyés par plusieurs autochtones.

L'été dernier, Junex a fusionné avec l'albertaine Cuda Energy. Satisfaite des résultats de la phase exploratoire malgré le moratoire, la nouvelle société a présenté à la fin du mois de novembre un avis de projet afin de procéder à l'exploitation du gisement à long terme.

Si le projet est approuvé tel quel, ce sera la première exploitation pétrolière de l'histoire du Québec. Cuda forerait « une trentaine » de puits et croit être en mesure d'atteindre une production de 3000 barils par jour.

Le promoteur estime les investissements pour la mise en production à 130 millions. En plus de l'évaluation environnementale, il devra aussi soumettre son projet à la Régie de l'énergie pour démontrer sa viabilité économique.