La tentative de Québec de tenir un registre des armes à feu fait face à de la résistance et, alors qu'une date butoir a été fixée à la fin janvier, moins de 20 % des armes d'épaule dont la présence est estimée dans la province ont été enregistrées.

Le militant des armes à feu Guy Morin appelle la population à « attendre jusqu'à la dernière minute » pour se conformer à la loi. Le porte-parole de Tous contre un registre québécois des armes à feu a déclaré vendredi dans une entrevue qu'il espère que le registre soit aboli ou qu'il ne puisse pas être appliqué tant le nombre d'enregistrements sera faible.

Le gouvernement québécois a estimé qu'environ 1,6 million d'armes d'épaule, principalement des fusils et des carabines, se trouvent son territoire. Mais, depuis la création du registre en janvier dernier, seules 284 125 armes à feu ont été enregistrées, a déclaré la porte-parole du ministère de la Sécurité publique, Louise Quintin.

M. Morin, dont le groupe a annulé en 2017 son rassemblement sur un site qui rend hommage aux 14 femmes assassinées à l'École Polytechnique, a déclaré que la loi québécoise était un affront. « Nous sommes des propriétaires canadiens d'armes à feu, et c'est une insulte, a-t-il déclaré. Pourquoi devons-nous nous enregistrer ici alors que vous n'êtes pas obligé de le faire partout ailleurs au pays  ? »

Les libéraux fédéraux avaient mis en place le registre des armes d'épaule à l'échelle du Canada en 1995, affirmant qu'il en coûterait environ 110 millions. Ce chiffre s'est multiplié jusqu'au moment de son abolition par les conservateurs en 2012.

À la suite de pressions exercées par des groupes de contrôle des armes à feu, le Québec a adopté une loi créant son propre registre en 2016. Le gouvernement a donné jusqu'au 29 janvier 2019 aux propriétaires d'armes pour qu'ils enregistrent leurs armes à feu ou faire face à une amende allant jusqu'à 5000 dollars.

Le Québec a initialement indiqué que son registre coûterait 17 millions, puis 5 millions supplémentaires par an pour le maintenir. Mme Quintin a déclaré dans un courriel que le budget pour la mise en place du registre est maintenant fixé à 20 millions.

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a déclaré aux journalistes cette semaine que le gouvernement espérait ne pas avoir recours à des amendes. « Oui, des amendes peuvent être imposées aux personnes qui ne remplissent pas leurs obligations, a-t-elle déclaré. Mais, vous savez, avant la répression, je préfère me concentrer sur la prévention », a-t-elle ajouté, encourageant les gens à enregistrer leurs armes à feu pendant les vacances de Noël.

La loi canadienne classe les armes à feu en trois catégories : les armes à feu prohibées, telles que les armes automatiques ; les armes à autorisation restreinte, comme les armes de poing, qui doivent être enregistrées auprès de la GRC ; et les armes d'épaule - carabines et fusils de chasse principalement utilisés pour la chasse et le tir sportif -, qui n'ont plus besoin d'être enregistrées au Canada, sauf au Québec.

Les Canadiens débattent de la valeur du registre des armes à feu depuis des années. La Cour supérieure de l'Ontario a statué en 2014 contre une contestation constitutionnelle de la loi conservatrice abolissant le registre, affirmant qu'« il n'existe aucune preuve fiable » que la décision « a réellement augmenté, ou augmentera, l'incidence de la violence ou la mort par arme à feu ».

M. Morin a déclaré qu'il n'y avait jamais eu de véritable débat sur le registre au Québec, car le contrôle des armes à feu est une question extrêmement délicate dans la province depuis la tuerie de l'École polytechnique de 1989. « Le lobby anti-armes se cache derrière ces victimes, a déclaré M. Morin. Il n'y a personne au niveau politique qui veut déplaire à ces gens. »

Heidi Rathjen, la coordinatrice de PolySeSouvient, un groupe de contrôle des armes à feu formé après la fusillade, a exercé des pressions pour la création du registre québécois. Elle rejette les arguments selon lesquels il s'agit d'un gaspillage d'argent, soulignant les statistiques de la Sûreté du Québec qui montrent que 80 % des armes à feu saisies au cours de crimes des 20 dernières années étaient des armes d'épaule.

Mme Rathjen a estimé qu'un registre est essentiel, car les armes à feu ne peuvent pas être contrôlées si le gouvernement ignore combien il en existe et l'endroit où elles se trouvent.

« Nous avons eu un débat démocratique, a-t-elle déclaré. Le projet de loi a été adopté. La question est maintenant de savoir si le gouvernement actuel cédera ou non à la pression d'une minorité ou maintiendra la loi. »