La nomination par le gouvernement Legault de Johanne Whittom à la tête du Centre de la francophonie des Amériques (CFA) crée des remous jusqu'en Louisiane. Son prédécesseur, Denis Desgagné, a été tassé « comme une vieille paire de bas troués », déplore Peggy Feehan, directrice générale du Conseil pour le développement du français de cet État du sud des États-Unis.

« Nous sommes estomaqués, sans mots, incrédules, abasourdis [face] à la très triste nouvelle que c'en est fini pour Denis Desgagné comme président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques. [...] Toute la Louisiane francophone est très triste de le voir partir », écrit-elle dans une lettre adressée à l'artiste Zachary Richard, lui-même membre du conseil d'administration du CFA, qui déplore d'une même voix le départ de M. Desgagné.

Le CFA a été créé en 2008 sous le gouvernement libéral de Jean Charest afin que le Québec reconnaisse une « responsabilité à l'endroit des communautés francophones [et affirme un] leadership » auprès des autres communautés francophones des Amériques.

DÉPART FORCÉ

Alors qu'il était président de l'Assemblée communautaire fransaskoise en 2010, Denis Desgagné y a été nommé président-directeur général pour un premier mandat de cinq ans, ensuite renouvelé pour un second terme de trois ans. Ce deuxième mandat prendra fin de façon définitive en janvier prochain.

« Je suis PDG en fin de mandat et j'ai dû intervenir auprès de mon C.A. pour calmer celles et ceux qui menaçaient de démissionner, étant déçus d'apprendre la nouvelle de mon départ. Pour l'organisation, on a besoin de ces personnes de grande qualité à bord. Un coup de gueule ne changerait pas les choses », a dit M. Desgagné hier en entrevue avec La Presse.

« Je m'assure désormais que la nouvelle PDG puisse entrer en poste avec tous les outils nécessaires pour rendre cette organisation encore plus forte », a-t-il poursuivi, confirmant tout de même qu'il ne partait pas par choix.

CHANGER LE MODE DE GOUVERNANCE

Comme le rapportait Le Devoir en novembre dernier, la nomination de Johanne Whittom (ancienne proche collaboratrice au cabinet de Philippe Couillard) à titre de présidente-directrice générale du CFA de même que la nomination d'un nouveau président du conseil d'administration ont choqué plusieurs administrateurs de ce même conseil. Ces derniers avaient recommandé que le mandat de Denis Desgagné soit renouvelé.

Zachary Richard, artiste louisianais fort connu au Québec, a écrit une lettre au premier ministre François Legault, lui demandant une rencontre avec les membres du C.A. afin de moderniser les règles de gouvernance du CFA pour qu'une telle situation ne se reproduise plus.

« Nous, les membres du C.A., avons été troublés que cette décision ait été prise sans avoir sollicité notre conseil et que nous en ayons été informés par voie de communiqué. Jusqu'au 28 novembre dernier, le travail du Centre avançait d'un pas assuré, ce qui rend votre décision d'autant plus décevante. M. Desgagné bénéficie de la confiance de toutes les communautés francophones touchées par notre mandat et son départ est déploré de toutes parts », écrit M. Richard dans sa lettre.

TRÈS APPRÉCIÉ

« On ne comprend pas pourquoi un si grand travailleur, un homme avec une si grande vision, une personne avec un coeur si grand, un bâtisseur de liens, un rassembleur hors pair, un ardent amoureux de la francophonie, un coach, un mentor, un ami, soit mis de côté ainsi, comme une vieille paire de bas troués », écrit pour sa part Peggy Feehan, du Conseil pour le développement du français en Louisiane, dans sa lettre affichant clairement l'image officielle de l'État louisianais.

« Ma grand-mère raccommodait ses bas, elle », conclut-elle avec fracas.

Au bureau du premier ministre François Legault, on explique que Mme Whittom a été nommée à la tête du CFA pour insuffler un nouveau leadership au Centre, alors que l'ancien PDG terminait un cycle de deux mandats successifs.