Le gouvernement Legault a appuyé les promoteurs du projet d'usine d'urée et de méthane à Bécancour avant qu'il ne soit étudié par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). Québec, par l'entremise d'Investissement Québec, a accordé une garantie de prêt de 10 millions pour TransCanada Pipelines Limited, le fournisseur du gaz naturel nécessaire à la future usine.

La décision, prise le 14 novembre, a paru mercredi dans la Gazette officielle du Québec. Elle jette plus de lumière sur la source d'une division au Conseil des ministres quant à l'à-propos du projet d'usine sur l'ancien site de Norsk Hydro à Bécancour. La production d'urée et de méthane signifie des émissions de 630 000 tonnes de gaz à effet de serre par année, l'équivalent de 180 000 automobiles supplémentaires sur les routes au Québec.

C'était le premier clivage au Conseil des ministres - François Legault et les ténors économiques, Éric Girard et Pierre Fitzgibbon, avaient pris fait et cause pour le projet, malgré les objections de la titulaire de l'Environnement, MarieChantal Chassé, de la ministre déléguée au Développement économique régional, Marie-Eve Proulx, et du titulaire de l'Éducation, Jean-François Roberge.

Le projet de la Société en commandite ProjetBécancour.ag est une nouvelle mouture du projet d'IFFCO Canada, qui remonte à 2012. La Coop fédérée et Développement Nauticol Québec prévoient une usine de 1,3 milliard qui produira de l'urée, élément essentiel pour les fertilisants agricoles. On y a adjoint une usine de méthane, qui contribue à réduire les émissions polluantes. Après que La Presse eut dévoilé la division, le député de Nicolet-Bécancour, Donald Martel, avait été envoyé aux journalistes pour insister sur le fait que le projet représentait 200 emplois dans un parc industriel où aucune nouvelle industrie ne s'était implantée depuis 15 ans.

Nouvel examen nécessaire

Relancée hier par La Presse, à l'Assemblée nationale, la ministre Chassé, manifestement, n'était pas au courant de la décision adoptée par le Conseil des ministres. À son ministère, on assure que le projet de Bécancour « se qualifie » pour un examen du BAPE. Une première étude avait eu lieu en 2012, sur la première mouture du projet d'IFFCO, mais le nouveau concept nécessiterait un nouvel examen.

Pour le ministère de l'Économie et de l'Innovation, le projet « pourrait avoir des retombées économiques importantes pour le Québec. Il mènerait à la création de plusieurs bons emplois de qualité, des emplois payants, dans le Centre-du-Québec. Le cautionnement consenti était nécessaire à l'avancement du projet présentement à l'étape de préfaisabilité. Cette intervention garantit l'approvisionnement en gaz naturel du projet, notamment par la consolidation du réseau de transport gazier du Québec ».

Au ministère de l'Économie et de l'Innovation, dont relève Investissement Québec, le cautionnement au profit de TransCanada était nécessaire pour permettre au fournisseur de mettre en place des infrastructures nécessaires pour le projet - « il faut sécuriser le projet auparavant, assurer qu'on aura du gaz naturel », qui est essentiel à la réalisation du projet, explique-t-on. L'usine, si elle voit le jour, pompera 10 % du gaz naturel au Québec.

À La Coop fédérée, le vice-président aux communications, Benoît Bessette, s'est contenté de répéter que la firme « finalise l'étude d'impact environnemental qui sera, sous peu, déposée au gouvernement. Ce sera au gouvernement de prendre sa décision par la suite, on ne peut rien présumer pour le moment ». La Coop fédérée « a fait ses devoirs et soumis son projet à une consultation ». Avec cette étude d'impact en main, Québec aura 70 jours pour décider s'il soumet le projet au BAPE.

- Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse