Le premier ministre Justin Trudeau a brièvement soulevé la question du français lors de sa rencontre avec son homologue Doug Ford jeudi après-midi, ce qui n'a pas empêché le gouvernement ontarien d'adopter presque au même moment le projet de loi qui concrétise les coupes au sein des services en français.

La porte-parole de M. Trudeau, Chantal Gagnon, n'a pas indiqué si le sujet sera abordé à nouveau vendredi lors des discussions avec l'ensemble des premiers ministres provinciaux et territoriaux, comme le demande la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB).

Préoccupée par « l'apparition d'une nouvelle droite populiste » qui préconise « le recul du fait français » au pays, la SANB veut que la question des langues officielles soit ajoutée à l'ordre du jour de la rencontre des premiers ministres à Montréal.

Dans une lettre adressée à Justin Trudeau, le président de l'organisme a incité jeudi le premier ministre à « faire des langues officielles un dossier prioritaire ». Robert Melanson y va d'une mise en garde : les coupes du premier ministre ontarien Doug Ford dans les services en français risquent d'encourager les attaques contre les acquis des francophones du Nouveau-Brunswick et des autres provinces où ils sont minoritaires.

« Le premier ministre est très conscient que c'est important, a affirmé jeudi la ministre des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly. D'ailleurs, il m'a demandé d'être présente ce (jeudi) soir au cocktail de bienvenue de tous les premiers ministres. Alors, je serai à Montréal à ses côtés pour parler avec lui de l'importance des langues officielles.

Je vais leur rappeler leurs obligations constitutionnelles », a-t-elle ajouté lorsque La Presse canadienne lui a demandé d'être plus précise.

Le Nouveau-Brunswick est dirigé par le gouvernement progressiste-conservateur de Blaine Higgs qui est minoritaire à l'Assemblée législative. Il est soutenu par les trois députés de l'Alliance des gens du Nouveau-Brunswick, un parti hostile au bilinguisme.

Au Manitoba, où les lois doivent être publiées en français et en anglais, le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Pallister a récemment effectué des coupes dans son service de traduction pour faire appel à des pigistes, selon Radio-Canada.

Tensions en vue

La rencontre des premiers ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux s'annonce déjà tendue. Ottawa veut discuter des barrières au commerce entre les provinces, de changements climatiques, d'énergie propre et de création d'emplois. Le premier ministre Ford menace de quitter la réunion si la taxe sur le carbone n'est pas ajoutée à l'ordre du jour.

Certaines provinces, comme l'Ontario et la Saskatchewan, veulent imposer leur propre ordre du jour axé sur la crise du prix du pétrole, la taxe sur le carbone, la construction d'oléoducs et l'abandon du projet de loi C-69 sur les évaluations environnementales.

La question des langues officielles ne semble pas faire partie des priorités, malgré la mobilisation des Franco-Ontariens samedi dernier. D'un bout à l'autre de la province, près de 14 000 personnes ont réclamé que le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford revienne sur sa décision d'abolir le commissariat aux services en français et d'abandonner le projet d'université en français. L'adoption du projet de loi 57 par son gouvernement vient plutôt confirmer ces choix.

Plus tôt dans la journée, la ministre Joly s'était pourtant dite prête à « proposer des solutions créatives » pour financer le projet d'université à 50 %. Un montant d'argent pourrait être réparti, par exemple, sur quatre ans pour permettre au gouvernement ontarien de financer sa part pour les quatre années suivantes, soit après avoir équilibré son budget.

« Mais la réalité, c'est que le gouvernement fédéral ne peut pas présenter le projet, c'est la province qui doit le faire », a-t-elle rappelé.

Son équipe a contacté mercredi celle de la ministre ontarienne des Affaires francophones, Caroline Mulroney, pour lui présenter cette option.

« Ils ont vraiment toute l'information en main, donc rendu là, c'est soit qu'il y a un intérêt de ne pas aller de l'avant de leur part ou c'est le fait essentiellement qu'ils décident de prendre leur temps pour que le dossier devienne moins important aux yeux de la population », a affirmé Mme Joly en soulignant que l'université francophone demeurait une priorité pour le gouvernement fédéral.